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prince Eugène voulait faire. Il est maintenant spectateur à Mons[1]. »

On a nié plusieurs fois, de nos jours, l’importance des résultats politiques du célèbre combat de Denain. On a contesté, du temps même de Louis XIV, les mérites de Villars. Les uns, et particulièrement le duc de Saint-Simon, ont attribué l’honneur de la victoire à Montesquiou, son lieutenant, qui aurait imaginé, conseillé et dirigé l’attaque ; d’autres ont prétendu que les mouvemens des troupes françaises avaient été combinés, réglés d’avance dans le cabinet du roi, et que le général en chef n’avait fait qu’obéir. Admirant la grandeur des événemens que produisent parfois les plus infimes des causes, Voltaire, sans rabaisser, d’ailleurs, la gloire du maréchal, dont il fut longtemps le commensal et le familier, a raconté « qu’un curé et un conseiller de Douai… imaginèrent les premiers qu’on pouvait aisément attaquer Denain et Marchiennes,.. que le conseiller donna son avis à l’intendant de la province, et celui-ci au maréchal de Montesquiou, qui commandait sous le maréchal de Villars. « Il raconte aussi a qu’une Italienne fort belle, qu’il vit lui-même à La Haye et qui était alors entretenue par le prince Eugène, était dans Marchiennes et qu’elle avait été la cause qu’on avait choisi ce lieu, — beaucoup trop éloigné de Landrecies, — pour servir d’entrepôt. » Laissons Louis XIV faire justice, lui-même, de ces envieuses calomnies et de ces appréciations superficielles :


« Fontainebleau, 27 juillet 1712.

« Mon cousin, j’ai appris avec une extrême satisfaction, par les lettres que vous m’avez écrites les 24 et 25 de ce mois, que vous avez battu et entièrement défait le camp que commandait le comte d’Albemarle, à Denain… On ne peut trop louer la manière dont vous en avez formé le dessein, de concert avec le maréchal de Montesquiou, le secret avec lequel vous l’avez conduit et tout ce que vous avez fait pour l’exécuter avec autant de succès… Rien n’est plus capable de favoriser et d’avancer les négociations de la paix… que de reprendre cette supériorité que mes troupes avaient eue pendant si longtemps et qu’elles avaient malheureusement perdue depuis quelques années. Les puissances qui délibèrent présentement, et qui paraissent résolues à s’engager dans une nouvelle ligue, deviendront plus traitables lorsqu’elles verront que toutes les espérances dont le prince Eugène les a flattées pour pénétrer dans mon royaume s’évanouissent. C’est le fruit que j’espère retirer du service très important que vous venez de me rendre.

« Indépendamment des réponses d’Angleterre, — écrivait le

  1. Villars à Mme de Maintenon. (Gaillardin, Histoire de Louis XIV.)