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réservent, par droit de naissance, le trône de ses ancêtres, entre la monarchie espagnole, diminuée de toute l’Italie, et la monarchie française, si largement, si puissamment accrue ?

Ainsi raisonne Louis XIV ; ainsi doit parler Bonnac à Madrid, d’après les instructions que lui trace l’importante dépêche du 18 mai, et qui diffèrent si essentiellement des premières directions qu’il a reçues.

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« Cet échange est si peu proportionné, que je comprends aisément que le premier mouvement du roi mon petit-fils soit de le refuser… Mais, s’il réfléchit sur l’avenir, cette nouvelle proposition lui doit paraître préférable à la conservation de l’Espagne… La conclusion prochaine de la paix, la conservation des droits de la branche aînée de ma famille, si le dauphin vient à mourir, et le repos de mes peuples assuré, sont les principaux motifs qui me déterminent à conseiller au roi d’Espagne de traiter sur ce nouveau plan. Il en ressentira lui-même un très grand avantage, si dans l’avenir il me succède ; car, dans ce cas, les Anglais conviennent qu’il gardera tous les états qui appartiennent aujourd’hui au duc de Savoie, et qu’ils seront réunis à la couronne de France ; que le seul royaume de Sicile sera remis à la maison d’Autriche.

« Ainsi le roi d’Espagne ne doit pas comparer l’Espagne et les Indes aux seuls états du duc de Savoie, mais il doit comparer la France, augmentée des états du duc de Savoie, à la possession de l’Espagne et des Indes, et, lorsqu’il mettra l’un et l’autre dans la balance, il n’hésitera pas sur le choix.

« Il peut me répondre, — c’était là, en effet, le côté faible de la situation, — qu’il n’y a pas trois semaines encore que je vous ordonnais d’employer les raisons les plus pressantes pour lui persuader de s’en tenir à la possession de l’Espagne,.. et que je remarquais la volonté de Dieu déclarée à lui conserver une couronne que la divine Providence a mise sur sa tête… Mais, si je lui conseillais de renoncer à ses droits sur la France, c’était parce qu’il ne pouvait les conserver qu’en descendant du trône et se réduisant à la vie privée. Il n’est plus question, présentement, de quitter la couronne et de venir dans mon royaume attendre un événement incertain. Il continuera de régner, et, si les états qu’on lui offre sont moins étendus que ceux qu’il possède, le royaume qu’il possédera vraisemblablement un jour sera de beaucoup plus considérable que celui qu’on lui propose de quitter…

«… Il ne doit point espérer d’obtenir, au moyen de cette renonciation (au trône de France), qu’aucun des états qu’il a perdus lui soit restitué, ni même garder la Sicile. L’Angleterre n’oserait seulement en faire la proposition… Il faut donc choisir : ou de se