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Elle décida qu’une députation se rendrait à Wilhelmshöhe pour intimer à l’électeur l’ordre de dissoudre le régiment de ses gardes, de provoquer une instruction sévère sur les événemens et de procéder à la poursuite des coupables. L’irritation était extrême ; on parlait d’abdication. L’émotion ne se calma que lorsqu’on apprit que l’électeur, malgré « la correction et l’esprit résolu » que lui prêtait M. de Metternich, avait encore une fois capitulé, qu’une proclamation annoncerait le licenciement de la garde, la recherche et la punition exemplaire des instigateurs. Le peuple enregistrait une nouvelle victoire ; c’était une faible compensation pour le réconcilier avec des misères séculaires.

Lorsque le calme fut rétabli, le gouvernement, tout révolutionnaire qu’il était, chercha à rentrer en possession des armes enlevées à l’arsenal ; mais déjà une partie des fusils avait passé à vil prix à des agens hanovriens. Le Hanovre avait, comme la Hesse, à demander des comptes à son maître.

La Hesse, inféodée au système de M. de Metternich, était depuis 1815, au nord de l’Allemagne, un boulevard solide, infranchissable, contre les tendances révolutionnaires ; en rompant brusquement avec ses traditions gouvernementales, elle devenait pour le Hanovre, le Brunswick, les deux Mecklenbourg et le duché d’Oldenbourg, comme le grand-duché de Bade l’était au midi pour la Bavière, le Wurtemberg et Hesse-Darmstadt, un foyer de propagande, l’avant-garde du libéralisme[1].

Le roi Ernest-Auguste dut céder, comme l’électeur. Leurs principes étaient les mêmes, mais ils différaient d’allures, de tempérament et de caractère. Le roi le prit de haut avec la révolution ; il ne lui permit pas de pénétrer dans son palais, il ne traita avec elle que par intermédiaire, sans compromettre sa dignité.

« Que veulent ces misérables ? dit-il, en entendant les vociférations de la foule. — Sire, ils demandent le jury, répondit craintivement son aide-de-camp. — Eh bien ! dites & ces gueux que je le leur accorde. » — Et l’officier, du haut du balcon, annonça au peuple que son auguste maître, touché des vœux de ses bien-aimés sujets, leur faisait savoir qu’il n’avait qu’une ambition, leur être agréable.

Mais le peuple, en appétit, renouvela ses clameurs. — « Que veut encore cette valetaille ? demanda le souverain. — La liberté de la

  1. Dépêche de Cassel, 13 mars 1848. — « Avec le système qui vient de s’écrouler ici se brise le premier anneau de la ligne que l’Autriche avait formé, il y a deux ans, dans le nord de l’Allemagne, contre le libéralisme prussien. Le Hanovre, qui était le soutien le plus solide de cette coalition, que j’ai souvent signalée dans mes dépêches, ne tardera pas à suivre La Hesse. Déjà Gœttingue a donné signe de vie, le soulèvement s’étendra et se généralisera. »