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de plus ; elle invitait tous les gouvernemens à envoyer à Francfort des hommes jouissant de la confiance publique, Vertrauensmänner, pour se concerter avec eux sur les changemens à introduire dans le pacte fédéral. Organe des princes, elle consommait sa déchéance, en offrant de discuter leurs droits héréditaires avec la révolution.

Il avait suffi de peu de jours pour vaincre l’ancien régime et disloquer de fond en comble la confédération germanique, l’œuvre du congrès de Vienne.

Le 31 mars, à huit heures du matin, les représentans des chambres allemandes, convoqués par le comité des sept, se réunissaient dans la grande salle du Rœmer, où se faisait le couronnement des empereurs.

Une assemblée convoquée par quelques érudits et quelques libéraux, individualités sans mandat, allait régler les destinées de l’Allemagne.

Le bureau constitué, les notables se rendirent, au son des cloches, au bruit des salves d’artillerie, à l’église Saint-Paul, le siège de la future constituante. Les délibérations commencèrent sans désemparer, emphatiques, diffuses, violentes, entre les députés qui demandaient la suppression de tous les trônes et ceux qui affirmaient que l’Allemagne, tout en réclamant la liberté et l’unité, restait fidèle au principe monarchique.

Mais où commencerait et où finirait l’Allemagne ? Les professeurs prétendaient qu’elle n’avait pas de limite, qu’elle était partout où l’on parle la langue allemande. Ce n’était pas résoudre la question. On décida, sans désigner aucun pays, que toutes les populations, depuis le Rhin jusqu’aux frontières russes, depuis la Baltique jusqu’aux Alpes tyroliennes, seraient représentées au parlement. La formule était vague, élastique ; l’orgueil teutonique s’en accommoda, car préciser eût été dangereux.

M. de Struve, un démocrate badois, se permit de réclamer le rétablissement du royaume de Pologne dans les limites du partage de 1772. Il voulait en faire un boulevard contre la Russie. Il fut rabroué. C’était trop augurer d’une majorité plus disposée à incorporer qu’à affranchir. Les professeurs allemands avaient, sur le principe des nationalités, une théorie particulière, ils ne l’admettaient que lorsqu’il répondait à leurs convenances ; ils le trouvaient détestable, appliqué au duché de Posen, qui appartenait à la Prusse ; ils l’estimaient indiscutable dans les duchés de l’Elbe, qui appartenaient au Danemark. On tournait le dos à la Pologne prussienne, mais on proclamait provinces allemandes le Slesvig-Holstein. Dès le lendemain de la révolution, des corps francs, soutenus par les forces régulières de la Prusse et du Hanovre, soulevaient les populations allemandes