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A la fin du mois de novembre, il n’y avait pas moins de douze colonnes en mouvement : dans la province d’Oran, les colonnes Cavaignac, Korte, Géry et La Moricière rayonnant de Tlemcen, de Sidi-bel-Abbès et de Mascara ; la colonne Bourjolly et celle du maréchal sur la Mina ; dans la province d’Alger, les colonnes Saint-Arnaud et Comman sur le moyen Chélif, la colonne Camou sous Miliana, la colonne Gentil au col des Beni-Aïcha, les colonnes d’Arbouville et Marey dans le Djebel-Dira. Si l’insurrection intérieure n’était pas entièrement réduite, elle avait du moins beaucoup perdu de son importance.

Pour ce qui est d’Abd-el-Kader, dont on avait perdu la trace, le maréchal venait enfin d’en avoir des nouvelles certaines. Le 21 novembre, il avait fait une razzia énorme, près de Taguine, sur les Ouled-Chaïd, une des rares tribus qui ne s’étaient pas mêlées à la révolte. Aussitôt le maréchal, décidé à ne plus laisser de relâche à son adversaire, et pour n’être plus exposé à perdre le contact, mit tout son monde en alerte sur un immense arc de cercle qui, passant par le sud, reliait à la Tafna l’Isser oriental. Le nombre des colonnes actives fut porté de douze à dix-huit.

Alors commença une chasse prodigieuse où le fauve, dépistant les meutes, fatiguant les relais, forçant les chiens, narguant les veneurs, les entraîna, sept mois durant, par une course brisée de 700 ou 800 lieues, de l’ouest à l’est, du sud au nord, depuis les steppes brûlantes du Sahara jusqu’aux cimes neigeuses de la Grande Kabylie, puis encore du nord au sud, de l’est à l’ouest, et les laissant épuisés, haletans, fourbus, finit par rentrer dans son fort.

Cette campagne, la plus difficile et la plus sérieuse qui ait été faite en Algérie, ne se distingue par aucun trait saillant, par aucun combat de quelque importance. Elle est admirable et fastidieuse ; il est impossible de la décrire en détail ; l’historien y perdrait sa peine et le lecteur son attention. Tout ce qu’il est possible de faire, c’est d’en tracer les grandes lignes.

« Ce qui est à peu près certain, écrivait, le 24 novembre, le maréchal Bugeaud au général Moline de Saint-Yon, successeur du maréchal Soult au ministère de la guerre, ce qui est à peu près certain, c’est que, d’ici à deux ou trois mois, les tribus seront aux abois, qu’elles auront perdu beaucoup d’hommes, beaucoup de troupeaux, beaucoup d’approvisionnemens, et que l’émir, ne trouvant partout que misère et désolation, désertera de nouveau le pays et rentrera dans le Maroc ou dans le désert. » En ne comptant que deux ou trois mois, le maréchal se trompait de plus de moitié.

Il fit commencer la chasse par Jusuf. Il lui donna toute la cavalerie de sa propre colonne, un escadron de gendarmes, deux