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représailles : Abd-el-Kader s’était dérobé ; il fallait retrouver ses traces.

En effet, l’émir avait fait un détour par le sud, avec l’espoir de surprendre Sidi-bel-Abbès ou Mascara. Laissant Cavaignac à Tlemcen, La Moricière coupa au plus court, rassura en passant Sidi-bel-Abbès, puis courut à Mascara, où il arriva le 30 octobre. Il y trouva le colonel Géry, qui venait de pousser jusqu’au poste de Tiaret et d’en revenir, en passant et repassant au travers d’un pays tout insurgé ; son opération n’avait été qu’un combat perpétuel. D’autre part, le général de Bourjolly sur la Mina, le colonel de Saint-Arnaud sur le Chélif, avaient fort à faire pour contenir l’effort des nombreux partisans de Bou-Maza. Enivré de ses succès, l’audacieux chérif avait poussé l’insolence jusqu’à s’attaquer, le 18 octobre, à Mostaganem ; il est vrai qu’une sortie du lieutenant-colonel Mellinet avait promptement fait échouer sa tentative.

C’était le 6 octobre que le maréchal Bugeaud avait reçu en Périgord l’appel de La Moricière ; le 15, il débarquait dans le port d’Alger ; le 18, il était en campagne. Avant la fin du mois, six régimens d’infanterie et deux de cavalerie devaient lui être envoyés de France. L’armée d’Afrique allait compter dès lors plus de 100,000 hommes ; telles étaient l’étendue et la force de l’insurrection qu’il n’en fallait pas moins pour la réduire. En homme de guerre supérieur, le maréchal avait deviné les projets d’Abd-el-Kader, et c’était sur la lisière méridionale du Tell qu’il avait décidé de le prévenir ou de l’arrêter. Assuré de la défense du Titteri, dont il confia le soin au général Bedeau, il se porta dans la province d’Oran.

Le 24 octobre, il était avec 3,500 hommes d’infanterie et 450 chevaux entre Teniet-el-Had et Tiaret. Devant lui, toutes les tribus avaient fait le vide, le pays était désert ; seuls, les Ayad, contenus par Ameur-ben-Ferhat, étaient demeurés sur leur territoire. Une colonne légère, conduite par Jusuf, qui venait d’être nommé général des troupes indigènes, alla surprendre, à 20 lieues de distance, les Ouled-Khélif, leur tua 300 hommes et ramena tous leurs troupeaux. Après ce coup frappé sur les insurgés du sud, le maréchal descendit par la vallée du Riou jusqu’au Chélif. Cette course avait pour objet et eut pour résultat de rabattre la jactance de Bou-Maza, en relevant l’autorité du général de Bourjolly et du colonel de Saint-Arnaud. Pendant ce temps, La Moricière faisait débloquer Daya par le général Korte et Saïda par le général Géry, récemment promu, tandis qu’il manœuvrait lui-même autour de Mascara pour rétablir les communications avec Oran et Mostaganem d’une part, Frenda et Tiaret de l’autre.