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à la réquisition, n’aurait plus eu le moyen d’exécuter sa sortie. Quoi qu’il en soit, la lettre du lieutenant-colonel de Barral lui fut expédiée par un exprès ; il répondit au capitaine Coffyn du bivouac de l’Oued-TaouIi, à cinq heures et demie du soir : « Mon cher capitaine, envoyez tout ce que le colonel de Barral vous demande. Je ne puis donner les hommes du bataillon de M. Froment-Coste. Nous sommes entourés de goums considérables, composés de gens du Maroc ; nous avons eu quelques coups de fusil avec eux. Abd-el-Kader arrive ce soir à Sidi-bou-Djenane. Je ne puis rejoindre Djemma-Ghazaouat sans exposer les Souhalia à une déroute complète. Je vais me tenir sur la ligne où je suis établi. Envoyez-moi demain des vivres pour deux jours de toute nature par les Souhalia, au bivouac sur l’Oued-Taouli. Faites toujours de même. Tenez-moi au courant de tout. Il faut huit mulets pour les vivres. N’oubliez pas deux jours de viande sur pied ; entendez-vous avec l’intendant. »

Cette lettre, avec une autre pour le lieutenant-colonel de Barral, parvint, le soir même, à dix heures, à Djemma-Ghazaouat. Le capitaine de Jonquières en était déjà reparti avec son escorte de chasseurs d’Afrique, 35 hommes du 10e bataillon de chasseurs et du 15e léger, quelques isolés et des mulets chargés de vivres. Tandis qu’il regagnait Lalla-Maghnia, le lieutenant-colonel de Barral avait quitté ce poste, par ordre du général Cavaignac, et s’était avancé jusqu’à Nedroma. De là, le 23, à cinq heures et demie du matin, il dépêcha deux cavaliers à Djemma-Ghazaouat, afin d’avoir des nouvelles de la sortie qu’il ne connaissait encore que par un mot de Montagnac, daté du 21 au soir, lui annonçant en bref son mouvement vers les Souhalia menacés, sans demander d’ailleurs assistance.

Le 22, à onze heures du soir, au lever de la lune, Montagnac avait remis sa colonne en marche, en remontant d’abord la vallée de l’Oued-Taouli, puis en inclinant à l’est ; arrivés sur le bord d’un petit ruisseau, au-dessous du marabout de Sidi-Brahim, les hommes s’étaient arrêtés pour prendre un peu de repos ; puis, le 23, au point du jour, ils avaient fait le café. Une dizaine de cavaliers arabes, comme la veille, se tenaient en observation à quelque distance.

A sept heures du matin, Montagnac prit avec lui trois compagnies de chasseurs et les hussards. Les sacs des hommes qu’il emmenait et les bagages restaient au bivouac sous la garde des deux autres compagnies, avec lesquelles demeurait le commandant Froment-Coste. Depuis le marabout, le terrain allait en montant vers un plateau que l’ennemi paraissait occuper. Afin de se tenir en communication avec le lieutenant-colonel, que les accidens du sol allaient dérober à sa vue, le commandant envoya le lieutenant de