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l’autorité pour hésiter à le couvrir. Il écrivit au ministre de la guerre : « Je regrette, monsieur le maréchal, que vous ayez cru devoir blâmer, sans correctif aucun, la conduite de M. le colonel Pélissier. Je prends sur moi la responsabilité de son acte ; si le gouvernement jugeait qu’il y a justice à faire, c’est sur moi qu’elle doit être faite. J’avais ordonné au colonel Pélissier, avant de nous séparer à Orléansville, d’employer ce moyen à la dernière extrémité ; et, en effet, il ne s’en est servi qu’après avoir épuisé toutes les ressources de la conciliation. C’est à bon droit que je puis appeler déplorables, bien que le principe en soit louable, les interpellations de la séance du 11 juillet. Elles produiront sur l’armée un bien pénible effet, qui ne peut que s’agrandir par les déclamations furibondes de la presse. Avant d’administrer, de civiliser, de coloniser, il faut que les populations aient accepté notre loi. Mille exemples ont prouvé qu’elles ne l’acceptent que par la force, et celle-ci même est impuissante, si elle n’atteint pas les personnes et les intérêts. Par une rigoureuse philanthropie, on éterniserait la guerre d’Afrique en même temps que l’esprit de révolte, et alors on n’atteindrait même pas le but philanthropique. »

Effrayées par la terrible leçon que leur donnait le sort des Ouled-Ria, toutes les tribus du Dahra et de l’Ouarensenis cessèrent la résistance ; mais, d’autre part, l’esprit d’insurrection s’était propagé dans l’est ; un fanatique, nommé Bou-Chareb, avait soulevé le Djebel-Dira. Comme cette région montagneuse était sur les confins des provinces d’Alger et de Constantine, le général Marey y accourut de Médéa et le général d’Arbouville de Sétif ; prise entre deux feux, l’insurrection ne dura guère dans ces parages, mais par l’Onennougha elle atteignit dans le nord le versant méridional du Djurdjura et trouva des adhérens chez les Ouled-bou-Aziz. Les deux généraux l’y poursuivirent et lui infligèrent, le 19 juin, un châtiment sévère. Onze villages des Ouled-bou-Aziz furent brûlés en un seul jour.

Ce n’est pas tout. Par-dessus les crêtes du Djurdjura, l’agitation avait gagné le cercle de Dellys. Là Ben-Salem et Bel-Kassem la détournèrent à leur profit contre Ben-Zamoun, l’agha des Flissa, institué par le maréchal Bugeaud. Ben-Zamoun, demanda des secours au général Gentil, qui occupait avec trois bataillons le col des Beni-Aïcha. Autorisé par le gouverneur, le général s’établit, le 22 juin, en avant de Dellys ; mais sa présence, au lieu de rétablir le calme dans le cercle, ne fit qu’exaspérer l’insolence des Kabyles insoumis. Les choses en vinrent même au point que le maréchal Bugeaud se vit obligé d’envoyer à Dellys de nombreux renforts et de s’y porter lui-même.

Le 25 juillet, il prit le commandement d’une colonne de dix bataillons et de deux escadrons, avec artillerie de montagne et