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permettra d’indiquer. Par une condescendance étrange pour l’opinion du boulevard et des petits théâtres, ou par ambition d’une popularité qu’elle ne saurait acquérir qu’en y perdant sa raison d’être, laquelle est de résister aux engouemens du jour, il semble donc que l’Académie française, depuis quelques années, ne veuille plus faire de littérature, quand elle consent d’en faire, qu’au détriment et aux dépens des bonnes lettres. Uniquement attentive à ce que l’on dira d’elle, non pas dans les salons, — car où sont les salons ? et puis, quel titre y auraient-ils ? — mais dans les bureaux de rédaction, entre la Madeleine et les variétés, elle ne va plus, comme autrefois, chercher, dans la solitude où il se sont retirés, un Emile Montégut ni un J.-J. Weiss, pour honorer en eux des esprits rares et pour avertir de leur distinction, qu’il ignore, l’auteur de… l’Abbé Jules, ou celui des Trente millions de Gladiator. Mais, en revanche, elle consulte les « chroniqueurs parisiens, » elle prend les avis des journaux, ceux de la Société des gens de lettres ou de la Société des auteurs dramatiques ; elle se demande avec anxiété ce que penseront de ses choix ou de ses candidats les feuilles prétendues littéraires. Et, comme si elle ne voyait pas qu’en livrant de la sorte aux discussions des demi-lettrés les intérêts dont elle a charge, lesquels sont avant tout ceux de la tradition et de l’histoire, elle les trahit ; elle n’appelle plus enfin du nom « d’élections littéraires, » — car elle en fait d’autres aussi, — que celles qui satisfont, qu’approuvent, et que contresignent M. Albert Wolff ou M. Henry Fouquier. Voilà ce que je lui reprocherais, si j’en avais le temps ; car il n’y a rien, non pas même la prétention qu’elle affiche quelquefois d’être une compagnie politique, il n’y a rien qui menace, tôt ou tard, de la discréditer davantage. Mais l’on voit assez aisément que M. Daudet ne pouvait pas le dire, lui, chez qui le romancier n’a jamais pu complètement triompher du « chroniqueur, » et à qui les chroniqueurs, ou plutôt les « reporters, » auraient depuis longtemps, et plus tôt qu’à son tour, ouvert les portes de l’Académie, si lui-même, jadis, ne se les était fermées solennellement ; — avec peut-être un peu trop de fracas.

Il n’a donc guère fait, dans son Immortel, pour toute médisance, que renouveler contre l’Académie de très anciennes épigrammes. Si, par exemple, il ne lui reproche point d’avoir oublié jadis de s’associer Molière, c’est qu’au cours de son récit l’occasion ne s’en est point offerte ; mais c’est bien là, comme au directeur lui-même du Moliériste, son grand grief ou l’un de ses grands griefs contre elle. Quelques hommes de talent n’en ont point fait partie ; et, en revanche, quelques médiocrités, ou, pour être plus poli, quelques « utilités, » s’y sont parfois insinuées, des Ripault-Babin ou des Astier-Réhu, qui n’avaient point seulement écrit Tartarin sur les Alpes. A la vérité, il lui reproche