Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/660

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confiance, la dissolution des états, une nouvelle chambre, la liberté illimitée de la presse, une amnistie générale, un parlement allemand, la révocation de toutes les ordonnances qui restreignent la jouissance des droits des contribuables. Si votre Altesse Royale ne répond pas d’une manière entièrement satisfaisante, le comité populaire considérera son silence comme un refus. N’hésitez pas ! et surtout concédez ! Des hommes résolus sont venus vous dire que l’agitation est à son comble, que tout est prêt pour un soulèvement, et que déjà on se fait à l’idée de s’affranchir de votre domination. — Si dans un quart d’heure il n’est pas fait droit à nos demandes, nous monterons en voiture, et demain la ville et le duché de Hanau se détacheront de l’électorat. »

L’électeur crut rêver en entendant un pareil langage ; il était consterné. Il regrettait le temps où ses ancêtres bâtonnaient les impertinens. Ses premières paroles furent des imprécations de colère, il écumait ; mais bientôt, cédant aux pleurs et aux supplications de sa femme et de ses enfans, frappé aussi de l’attitude calme, presque indifférente, de ses officiers et de ses chambellans, fatigués de ses caprices, il annonça, suffoqué, en termes inarticulés, qu’il acceptait trois des points formulés par le comité. Il lui en coûtait de vider le calice jusqu’à la lie. Mais les députés restèrent inflexibles. Leurs instructions étaient formelles, impératives ; ils ne pouvaient répondre de la soumission de Hanau qu’en rapportant la soumission du souverain. — A sept heures ils sortaient du palais, et un quart d’heure après, comme ils l’avaient annoncé, ils montaient en voiture, heureux d’avoir si bien réussi. Déjà ils partaient au galop de leurs chevaux, lorsque la foule se jeta sur leur passage en criant : « Arrêtez ! arrêtez ! l’électeur entend raison ; il se soumet à tout. »

L’électeur, en effet, après avoir donné à sa capitale le spectacle de ses colères et de ses défaillances, avait souscrit, brisé, humilié, aux dures conditions d’une ville insurgée.

Cassel illumina. Les députés partirent au milieu de l’allégresse générale, déçus, mortifiés. Ils s’étaient flattés que leur ultimatum serait repoussé et il était accepté ! Frédéric-Guillaume Ier n’avait pas justifié le mot de M. de Metternich qui, à ses débuts, pour l’attirer sous sa coupe, le proclamait : « de tous les princes allemands le plus correct et le plus résolu. »


G. ROTHAN.