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circule librement : c’est un lieu parfaitement approprié à la fête qui se prépare, et qui convient surtout à la saison où nous sommes. Les étudians et les professeurs se rangent des deux côtés. Au fond, sur une estrade plus ornée, on a placé trois fauteuils qu’occupent le roi, la reine et le prince héritier. Derrière eux prennent place les ministres en habit doré, les officiers d’ordonnance, les dames d’honneur. À ce moment, le coup d’œil est magnifique. Quand le silence s’est fait, les discours commencent : discours du recteur, discours du ministre de l’instruction publique, M. Boselli, discours de M. Carducci, représentant de l’université de Bologne, et qui nous en fait l’histoire abrégée. Puis, on appelle tour à tour toutes les nations étrangères. On avait la veille agité la question de savoir si, pour abréger la cérémonie, il ne convenait pas qu’une seule nation prit la parole et parlât pour toutes. C’est ce qui s’était fait, il y a deux ans, à Heidelberg, où la France avait été choisie par un vote unanime pour représenter le reste du monde. Mais les choses n’étaient pas aussi faciles à Bologne, et l’Allemagne, qui se sentait en force, avait déclaré dès le premier jour que, quelle que fût la résolution prise, elle entendait parler pour son compte. Ce que voyant, pour ne pas faire de jaloux, on décida de laisser tout le monde parler. C’était un spectacle qui ne manquait pas de grandeur que de voir chaque nation, quand elle était appelée, venir se placer devant le roi, son orateur en tête ; puis, le discours achevé, remettre au recteur les adresses qu’elle apportait à l’université dont on fêtait le huitième centenaire. Par malheur, le défilé était un peu long. Il y eut des nations sur lesquelles on ne comptait pas, et qui, au dernier moment, réclamèrent contre l’arrêt qui voulait les supprimer. On avait espéré ne faire qu’un seul groupe des trois peuples Scandinaves, mais ils ne consentirent pas à s’unir, et la Norvège même, que la politique a liée à la Suède, demanda son tour de parole. La Hongrie n’entendait pas être confondue avec l’Autriche, ni l’Irlande avec l’Angleterre. Ce qui fut encore plus grave, c’est qu’on ne respecta guère la loi qu’on avait imposée à tout le monde de ne parler que trois minutes. Un seul peuple, à ce que je crois, se tint dans les limites prescrites, et c’est celui qui passe pour être le plus bavard de tous. Cette intempérance de parole allongea singulièrement la cérémonie ; cependant tout le monde tint bon jusqu’à la fin, ce qui n’était pas un petit mérite. Rien surtout n’égala l’admirable patience du roi et de la reine d’Italie. Ils ont écouté vingt-six discours, sans qu’une ombre de fatigue ou d’ennui ait passé sur leur visage. Il n’y a pas de souverain au monde qui fasse son métier avec plus de conscience et de bonne humeur que le roi Humbert ; quant à la reine, après quatre heures d’éloquence continue, elle avait encore le courage de