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comme c’est le propre du soleil d’atténuer l’effet des couleurs, sous cette éclatante lumière, l’œil n’en était plus blessé, et je suis bien forcé de reconnaître que c’est à ces belles robes jaunes que la députation française a dû ses applaudissemens les plus vifs.

Quoiqu’il fît très chaud (34 degrés à l’ombre), et qu’on fût assez souvent forcé de stationner au soleil, comme il arrive dans toutes les processions, même les mieux ordonnées, le temps passait vite, et je ne me lassais pas de regarder ce que j’avais sous les yeux. Les spectateurs formaient eux-mêmes un spectacle, et l’aspect changeait d’une rue à l’autre. Bologne semble faite à souhait pour les cérémonies de ce genre. Nous circulions lentement entre ces portiques dont toutes les maisons sont ornées et qui donnent à la ville sa physionomie particulière. Le long de la rue Zamboni et près de l’église San-Giacomo-Maggiore, ils se composent d’arcades élégantes qui rappellent les constructions les plus distinguées de la renaissance. Les fenêtres des maisons étaient garnies de tapis ou d’étoffes à couleurs voyantes que faisait encore ressortir la blancheur des murs. Si les personnes qui regardaient d’en haut avaient porté les costumes du XVe ou du XVIe siècle, l’illusion aurait été complète, et il n’y aurait rien eu à désirer. Un peu plus loin, le cortège passa au pied des deux tours penchées qu’on appelle Asinelli et Garisenda. Elles ne ressemblent pas à celle de Pise, et sont bien plus bizarres que belles ; mais elles remontent loin. On les a bâties précisément à l’époque où Irnerius commençait d’enseigner. Comme elles ont assisté à toute l’histoire de Bologne, qu’elles ont été témoins des luttes qu’elle a soutenues pour défendre sa liberté, les habitans les traitent avec une sorte de respect. De là, on parvint à la piazza Maggiore, une des plus belles assurément des vieilles villes d’Italie, que bordent, avec le Neptune colossal de Jean de Bologne, le palais du podestat, le municipe et l’église Saint-Pétrone. Sur la porte du palais du gouvernement, on a conservé un souvenir de la domination pontificale ; c’est une statue de Clément VII, qui sacra Charles-Quint. Nous avons défilé devant elle, et pendant que le pape de bronze nous donnait sa bénédiction d’un air maussade, à l’étage au-dessus, du haut d’un balcon décoré des couleurs nationales, le roi et la reine d’Italie nous envoyaient leurs plus aimables saluts. C’était un contraste qui ne laissait pas d’être piquant.

Nous voici enfin à l’Archiginnasio, où doit se passer la cérémonie. C’est un monument du XVIe siècle, qui avait été bâti pour servir d’université. L’élégant cortile à deux rangs de portiques, qu’ornent les blasons des professeurs célèbres, a été recouvert d’une tente ; on y a prodigué les drapeaux de toutes les nations ; il offre aux regards l’aspect le plus agréable. Il est vaste, l’air y