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on voit encore, juchée sur quelques colonnes, la tombe d’un des anciens professeurs de l’université, Rolandino de’ Passageri, celui qui répondait fièrement à l’empereur Frédéric II, quand il menaçait la ville de ses soldats : « Si tu cherches, tu trouveras. Nous ne sommes pas des canards de marais que le premier vent met en fuite. Nous nous battrons. » Un autre de ces maîtres repose dans un des couloirs de l’église ; on le voit étendu sur sa tombe, avec sa robe et son bonnet carré ; sa figure est grave et bienveillante, et il semble encore réfléchir à quelque problème de jurisprudence. Une attention pieuse avait suspendu des fleurs à ces deux tombes, pour faire participer ceux qu’elles recouvrent à la fête qui se célébrait en leur honneur. Il m’était facile de croire, avec un peu de bonne volonté, que j’étais contemporain de ces vieux maîtres, et les cris joyeux que j’entendais me remettaient à l’esprit tout ce que j’avais lu de la vie des étudians de Bologne pendant les belles années de l’université.

A Bologne comme à Paris, les étudians formaient une troupe agitée, bruyante, qui fut souvent aux prises avec les magistrats et dut troubler le repos des bons bourgeois de la ville. Mais, quoi qu’ils fissent, on ne leur gardait pas longtemps rancune. Comme la prospérité de l’université dépendait du nombre de ceux qui en suivaient les cours, pour attirer les étudians et les garder, on était prêt à faire toute sorte de sacrifices. Ils y étaient même mieux traités et plus considérés qu’à Paris, où ils jouissaient pourtant de si grands privilèges. Tandis qu’à Paris l’université se compose de la réunion des maîtres, à Bologne, les écoliers en font partie, ou plutôt ils forment vraiment l’université. Le recteur les réunit dons toutes les circonstances importantes, leur soumet toutes les questions, et ils votent, comme on le faisait à Athènes, avec des fèves blanches et noires. En toute occasion, la ville les prend sous sa tutelle ; elle les protège contre l’avidité des propriétaires qui sont tentés de leur faire payer trop cher la petite chambre qu’ils habitent. Le prix des logemens est fixé par le magistrat, et il n’est pas permis de demander plus que la taxe. Elle les protège encore, ce qui est plus extraordinaire, contre leurs professeurs. Élèves et maîtres ne s’entendent pas toujours ; c’est la question d’argent qui les divise. L’élève se plaint que les leçons du maître soient trop chères, qu’il exige plus qu’on ne lui doit pour la collation des grades, et même il laisse entendre que sa bienveillance, dans les examens, n’est pas toujours gratuite ; le maître répond que c’est aux élèves qu’il faut s’en prendre, et qu’ils inventent mille chicanes pour ne pas payer les sommes convenues. Nous avons, dans les gloses, du non Odofredus, un passage où il annonce, avec son latin naïf, qu’il ne fera