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qu’ayant chacune leur autonomie, ne forment qu’un seul corps de nation, dont le gouvernement fédéral est la tête. La suprématie politique appartient au pacte originel, expression de la volonté souveraine du peuple, d’où cette Union même tire l’existence. Entre les états particuliers et le gouvernement central, comme entre les divers départemens de ce dernier, la constitution s’est efforcée d’établir l’équilibre par une répartition équitable des obligations et des pouvoirs.

Au congrès, organe législatif de la nation entière, elle a marqué certaines bornes pour sauvegarder les droits des états et ceux des personnes. Elle lui a conféré aussi des prérogatives peu nombreuses, qui répondent au besoin de protéger les intérêts généraux contre l’égoïsme des ambitions et des cupidités provinciales. Aux états particuliers, elle a de même imposé des prohibitions définies, afin de faire respecter les privilèges du gouvernement national et les droits individuels qu’elle a mission de défendre.

Si les limites tracées sont franchies et que des conflits éclatent, quelle est la règle à suivre ? La constitution étant l’œuvre du souverain, tout acte du congrès ou des législatures doit s’y conformer pour rester valide. Les lois des états particuliers doivent en outre être conformes à la législation fédérale[1]. Lorsque deux lois, émanant de deux autorités distinctes, seront contradictoires, la plus élevée par l’origine annulera l’autre. Les lois du congrès primeront celles des états. En cas d’antagonisme entre une clause constitutionnelle et un décret parlementaire, celui-ci sera tenu pour nul ; le pacte fondamental ne peut jamais être invalidé. L’application, souvent très difficile, de ces doctrines compliquées, incombe au pouvoir judiciaire de l’Union. Sa compétence s’étendant à toutes les causes où la constitution est en jeu, il connaît de tout devoir exigé comme de tout droit conféré par elle. C’est lui qui permet au gouvernement central d’agir directement sur les citoyens, et qui veille en même temps à ce que les libertés constitutionnelles ne soient pas mises en péril par la faiblesse ou la tyrannie des assemblées. Grâce à son intervention libérale et fer mu, les restrictions imposées aux différens pouvoirs ne demeurent pas lettre morte. Les états particuliers ne sont plus maîtres d’étendre arbitrairement leur propre puissance[2] ; l’exécutif national et le

  1. Toute loi des états particuliers doit de plus être conforme à la constitution locale. Le règlement des difficultés qui peuvent naître à ce sujet appartient naturellement aux tribunaux des états particuliers. Enfin, les constitutions locales elles-mêmes doivent être conformes à la constitution des États-Unis et aux lois du congrès.
  2. Dans la première confédération (1783-1789), il n’y avait pas de pouvoir judiciaire fédéral : l’autorité du congrès national sur les différens états était devenue à peu près illusoire.