Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/576

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VII

Si la royauté des Isaïdes était encore mal établie dans les tribus du Nord, dans le pays qui s’appelait par excellence Israël, elle était au-dessus de toute contestation en Juda. L’hérédité, qui avait été violée de Saül à David, et qui, de David à Salomon, n’avait été ni correcte ni sans orage, est maintenant une loi absolue dans la dynastie de Jérusalem. L’aîné du roi isaïde montera désormais sans rival sur le trône de Sion, pendant quatre cents ans. Ce rare privilège fut considéré comme un don spécial de Iahvé, récompensant ainsi la dynastie qui lui avait érigé une maison stable, au lieu de la tente précaire où il avait résidé jusque-là.

Roboam, fils de Salomon et de Naama, fille de Hanoun, roi des Ammonites, paraît avoir été un esprit borné et un caractère obstiné. Il eût fallu tout le contraire pour maintenir l’œuvre de David. Il eût fallu surtout exonérer les tribus d’Israël de la corvée et des charges de toute sorte qui résultaient des dépenses de la cour et des grandes constructions de Jérusalem. Le Nord, bien moins détaché de la vie nomade que Juda et Benjamin, avait en aversion ces villes et ces palais, dont le Sud était déjà fier.

A la nouvelle de la mort de Salomon, Jéroboam accourut d’Egypte et recommença ses agitations dans les tribus joséphites. Roboam se rendit à Sichem, pour recevoir l’investiture des tribus. Là, le mécontentement éclata. On reconnaissait les avantages de la royauté, et on en désirait la continuation, mais on n’en voulait pas les charges. Roboam se trouva entre des conseils opposés. Il avait quarante et un ans ; mais il s’était entouré de jeunes étourdis, qui ne songeaient qu’à jouir du règne nouveau. Les vieux serviteurs de Salomon conseillaient de céder, du moins en paroles. Au contraire, la génération de courtisans qui arrivait au pouvoir avec le nouveau roi voulait le gouvernement à outrance. Ils persuadèrent au roi de résister. On résume ainsi les paroles, à la fois présomptueuses et provocatrices, que l’extravagant souverain aurait adressées aux tribus : « Mon petit doigt est plus gros que la taille de mon père. Mon père a rendu votre joug pesant ; moi, je le rendrai plus pesant encore. Mon père vous a châtiés avec des fouets ; moi, je vous châtierai avec des scorpions[1]. »

La révolte alors fut ouverte. L’ancien cri des tribus d’Israël :

Qu’y a-t-il de commun entre nous et David ?
Qu’avons-nous à faire avec le fils d’Isaï ?
A tes tentes, Israël !
Maintenant soigne ta maison, David !
  1. Fouets armés de dards.