Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/561

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les efforts des architectes modernes pour reconstruire le temple de Jérusalem d’après les données des livres historiques, prisés comme exactes, ont échoué et échoueront toujours. Ces descriptions, faites de souvenir par des narrateurs étrangers à toute notion d’architecture, sont pleines d’impossibilités et de contradictions ; pas un seul chiffre n’y est juste. La physionomie générale du temple, au contraire, apparaît avec certitude. C’était un temple égyptien, de moyennes dimensions, avec un vestibule formé par les antes, l’architrave et deux grosses colonnes d’airain.

Ces deux colonnes, œuvre supposée de Hiram le fondeur, en tout cas œuvre tyrienne, frappèrent les Hébreux, et, ainsi qu’il a coutume d’arriver chez les peuples peu artistes, firent naître beaucoup d’imaginations singulières. On leur donna des noms ; on les appela Iakin et Boaz. Il n’est pas impossible que ces deux mots eussent été écrits, comme des graffiti talismaniques, par les fondeurs phéniciens, sur les colonnes[1], et qu’ensuite les deux mots magiques aient été pris pour les noms des deux colonnes par des personnes peu au courant des choses phéniciennes.

C’étaient deux colonnes égyptiennes du galbe qu’on trouve au Ramesseum de Thèbes, à chapiteau treillissé, formé de gerbes de lotus et de grenades. Elles étaient creuses ; mais l’épaisseur du métal était de quatre doigts ; par conséquent elles formaient un appui solide pour l’architrave qui posait dessus. Peut-être, d’ailleurs, recouvraient-elles une chaîne intérieure de maçonnerie.

La grande porte était encadrée de linteaux de bois d’olivier sauvage ; les battans étaient en cyprès. Une petite baie à charnière, pratiquée dans les grands battans, permettait d’entrer sans qu’on fût obligé d’ouvrir ces valves gigantesques. Les boiseries étaient couvertes d’images de keroubs, de palmes, de corolles de lotus. Ces sculptures, ou, si l’on veut, ces dessins au trait, s’enlevaient en plaqué d’or sur des fonds probablement revêtus d’une teinte plate.

La cella (hékal) n’était éclairée que par de petites baies grillagées, placées au haut de l’édifice. Elle était coupée par un écran qui laissait au fond un petit sanctuaire, le debir, appelé plus tard Saint des saints. Le plafond était en poutres de cèdre, recouvertes de planches du même bois. Le parquet était en bois de cyprès ou de sapin, orné de lignes d’or. Les murs étaient lambrissés de boiseries de cèdre, qui allaient du sol aux poutres, si bien qu’on ne voyait nulle part le mur de pierre. Ces boiseries étaient couvertes de figures de petits keroubs, de palmes, d’oves et de fleurs de lotus gravées au trait ou sculptées en faible relief. Le tout était recouvert d’une dorure probablement à plusieurs tons.

  1. On développera ce point ailleurs.