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nation. D’autres constructions, mentionnées moins longuement, furent utiles ou nécessaires. La ville de Gézer était en ruines, par suite de l’expédition égyptienne ; Salomon la rebâtit. Les deux Béthoron, qui peut-être avaient souffert de ladite expédition, furent également rebâties. Il en fut de même du bourg danite de Baalath, de Hasor et de Megiddo, dans le Nord. Salomon construisit enfin des « villes de magasins, » sortes d’entrepôts dont le but commercial ou militaire ne saurait être exactement défini. Il y avait, en particulier, une localité de Tamar, du côté de Pétra, dont Salomon fit une ville et qui devint un lieu de station pour les caravanes. Ces postes commerciaux répondaient à une des principales préoccupations du temps, préoccupations analogues à celles qui ont fait, de nos jours, attacher tant d’importance au percement de l’isthme de Suez.

Avec une haute raison, en effet, Salomon eut toujours les yeux tournés vers la Mer-Rouge, large canal qui mettait les essais de civilisation méditerranéens en rapport avec l’Inde, et ouvrait ainsi un monde nouveau, celui d’Ophir. La baie de Suez appartenait à l’Egypte ; mais le golfe d’Akaba était en quelque sorte à prendre. Élath et Asiongaber, selon toutes les apparences, avaient été peu de chose dans les temps antérieurs. Sans occuper régulièrement le pays, Salomon s’assura la route par la vallée d’Araba. Il construisit une flotte à Asiongaber. Les Israélites avaient été jusque-là tout à fait étrangers à la navigation. Hiram donna des marins à Salomon, ou, ce qui est plus probable, les deux flottilles voyageaient de conserve. En sortant du détroit d’Aden, elles allaient à Ophir, c’est-à-dire à l’Inde occidentale, au Guzarate ou à la côte de Malabar.

La flottille appareillait une fois tous les trois ans, à l’époque de la mousson. On sait combien, à cette époque de l’année, la navigation est facile ; il n’y a qu’à fixer la voile une fois pour toutes et à s’abandonner au vent ; on est porté, pendant son sommeil, au point que l’on veut atteindre. Si, de Bombay ou de Goa, les expéditions étaient revenues directement à Asiongaber, c’eût été l’affaire de quelques mois. Le fait que la course durait trois ans prouve que la flottille faisait le tour de l’Inde, peut-être de l’Indo-Chine. Mais tout ce que la flottille rapportait de ces contrées lointaines était naturellement censé venir d’Ophir.

Quels étaient donc les objets que les navigateurs tyriens et Israélites rapportaient d’Ophir ? Rien de bien sérieux, beaucoup de frivolités. D’Ophir, les navigateurs tyriens et israélites rapportaient de grandes quantités d’or, d’argent, de pierres précieuses, du bois de santal, de l’ivoire, des singes, des paons. Ces objets frappèrent beaucoup les gens de Syrie. Le bois de santal surtout, par sa belle couleur rouge et son parfum, produisit une impression extraordinaire.