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les matériaux précieux pour les constructions de Sion, des marins pour la flotte d’Asiongaber.

La région du Jourdain supérieur, conquise par David, semble être restée tributaire de Salomon. Ce qu’on dit d’une plus vaste extension du royaume de Salomon est empreint de beaucoup d’exagération. Ni la Syrie du Nord, ni la région du bas Oronte et d’Alep, ni même Hamath, n’ont jamais été vassales de Salomon. Ces mots « jusqu’à l’Euphrate, jusqu’à l’Egypte,.. d’une mer à l’autre, » sont, sous la plume des écrivains hébreux, le fait d’une géographie complaisante, qu’il ne faut pas prendre à la lettre. Les fables sur la prétendue fondation de Palmyre par Salomon viennent d’une lettre ajoutée à dessein au texte de l’ancien historiographe par le compilateur des Chroniques[1]. La construction de Baalbek par Salomon repose sur une identification encore plus inadmissible. Ces hyperboles furent imposées à l’historiographie juive par les prophètes du temps de Jéroboam II, qui rêvèrent pour Israël un idéal de frontières naturelles, qu’on supposa avoir été réalisé sous David et Salomon. Ce furent là, en quelque sorte, des clichés qu’on exhuma à diverses reprises, sans se soucier de leur conformité avec le vrai.

En réalité, le domaine de Salomon ne comprenait que la Palestine. La liste des nissabim, que nous avons donnée, ne s’étend pas au-delà d’Israël. Édom et Aram s’étaient totalement émancipés du joug que leur avait imposé David. Moab et Ammon étaient à l’état de pays vaincus, mais non annexés. La liste précitée des nissabim porterait à douter si ces provinces payaient un tribut réel. Les tribus d’Israël sont seules présentées dans ladite liste comme subvenant aux frais de la royauté.

Ce qui valait mieux que des peuples retenus de force, les brigands arabes étaient réfrénés dans leurs pillages. Les Amalécites, les Madianites, les Beni-Quédem et autres nomades, trouvaient, autour d’Israël, une barrière infranchissable. Les Philistins conservaient leur indépendance. Les villes phéniciennes de Jaffa, Acre, Tyr, Sidon, Gébel, Hamath, traitaient Salomon comme un puissant voisin, mais ne lui étaient nullement asservies. Cela faisait un petit état de 50 lieues sur 25 environ, avec une zone de tributaires ou d’alliés. Quand on suppose que Salomon régna sur toute la Syrie, on grossit au moins les choses au quadruple. Le royaume de Salomon était à peine le quart de ce qu’on appelle maintenant la Syrie.

L’historiographie légendaire n’attribua à Salomon que des bâtisses frivoles et disproportionnées avec les ressources de la

  1. Comp. I Rois, II, 18, et II Chron., VIII, 4. Il s’agit de Tamar, du côté de Pétra, non de Tadmor.