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L’horizon de David ne s’étendit jamais hors de la Syrie. Avec Salomon, des perspectives nouvelles s’ouvrirent pour les Israélites, surtout pour Jérusalem. Israël n’est plus un groupe de tribus, continuant dans ses montagnes la vie patriarcale. C’est un royaume bien organisé, petit selon nos idées, mais assez grand d’après les habitudes du temps. La vie mondaine du peuple de Iahvé va commencer. Si Israël n’avait eu que cette vie-là, on ne parlerait pas de lui dans l’histoire. Au sens matérialiste, heureux le peuple qui n’a pas d’histoire ! Au sens idéaliste, heureux le peuple qui a sa place dans les annales de l’esprit ! Un peuple est glorieux par ses révolutionnaires, par ceux qui le perdent, par ceux qu’il a conspués, tués, vilipendés.

Une alliance avec l’Egypte fut le premier pas dans cette carrière de la politique profane que plus tard les prophètes semèrent de tant d’impossibilités. Les rois de Tanis relevaient en ce moment le prestige fort abaissé de l’Egypte en Syrie. Par suite d’une expédition dont nous ignorons les circonstances, le roi de Tanis, Psioukhanou II, d’accord sans doute avec les Philistins, avait conquis l’ancien territoire de Dan, et, en particulier, la ville chananéenne de Gézer. Il extermina la population chananéenne et brûla la ville. Ce fut Israël qui bénéficia de cette conquête. Le roi d’Egypte donna Gézer en dot à sa fille et la maria à Salomon. Gézer fut ainsi acquis au domaine Israélite et dépendit directement du roi de Jérusalem.

La fille du roi de Tanis vint demeurer à Sion. Salomon n’avait pas encore commencé ses grandes constructions. La princesse égyptienne habita d’abord dans le palais de David, qui dut lui paraître mesquin auprès des merveilles qu’elle venait de quitter. Il n’est pas trop hardi de supposer que le goût de cette princesse pour un luxe raffiné eut une grande influence sur l’esprit de son mari ; d’autant plus qu’elle eut toujours dans le palais une situation supérieure à celle des autres femmes du harem.

Les relations de Salomon avec Tyr exercèrent une influence encore plus civilisatrice. Tyr, récemment détachée de Sidon, était alors au moment de sa plus grande activité, et en quelque sorte dans le feu de sa fondation première. Une dynastie de rois du nom de Hiram ou plutôt Ahiram était à la tête de ce mouvement. L’île se couvrait de constructions imitées de l’Egypte. On admirait surtout ce grand temple central de Melkarth, qui devait être l’ombilic du monde tyrien, comme son frère jumeau de Jérusalem fut le centre attractif du monde juif. Déjà, sous David, nous avons vu des rapports établis entre les deux peuples. Sous Salomon, ces rapports furent bien plus suivis. Hiram est l’allié intime du roi d’Israël ; c’est lui qui envoie à Salomon les artistes qui manquaient à Jérusalem,