Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/546

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hésita. Violer l’hospitalité de Iahvé paraissait un crime horrible. Salomon ordonna de passer outre, par ce raisonnement de casuiste, qu’en tuant Joab on ne commettait pas un assassinat, que c’était Iahvé qui faisait tomber sur Joab le sang d’Abner et de Amasa, « deux hommes meilleurs que lui, qu’il avait tués, » sans que David en sût rien. Sa mort devait ainsi dégager la maison de David d’un sang qui aurait pesé sur elle. Benaïah, tranquillisé par cette manière de voir, tua Joab. On enterra le vieux guerrier dans sa propriété, près de Bethléhem. Benaïah lui succéda dans les fonctions de sérasquier.

Quant à Séméï, Salomon l’interna dans Jérusalem, et lui promit la vie sauve. Puis il trouva moyen de se prouver à lui-même que ce serait une bonne action de le tuer, que Iahvé l’ordonnait, que la maison de David en tirerait toutes sortes de bénédictions, et que, par de si bonnes actions, son trône serait consolidé à jamais. Benaïah fut encore chargé de l’expédition de l’affaire, et ainsi disparut le dernier survivant de la race de Saül. Un effroyable mélange de raison d’état et de fanatisme autorisait ces atrocités.

Salomon, tout à fait affermi sur le trône, organisa son gouvernement. Les listes que nous avons de ses fonctionnaires montrent qu’il conserva dans un grand nombre de services les ministres de David, ou qu’il donna la survivance de leurs fonctions à leurs fils. Benaïah fut, comme nous l’avons vu, son sar-saba ; Adoniram continua de gérer les revenus de l’impôt ; Josaphat-beh-Ahiloud était toujours mazkir. Azariah, fils du prêtre Sadok, Elihoref et Ahiah, ces deux derniers fils de Saraïa, le sofer de David, avaient le titre de soferim à leur tour. Ahisar était intendant de la maison royale. Sadok était cohen ; Zaboud, fils de Nathan, prêtre intime du roi ; Éliah, fils de Safat, chef des gardes ; Azariah, fils de Nathan, chef des nissabim ou préfets.

Ces nissabim étaient avant tout des agens fiscaux, chargés de faire contribuer tout Israël aux lourdes charges de la maison royale. Pour cela, on divisa le pays en douze départemens, ne répondant presque pas aux divisions des anciennes tribus. La liste de ces départemens et de leurs préfets, vers la fin du règne de Salomon, nous a été conservée.

Le pays de Juda n’est pas nommé dans cette liste, sans doute parce que c’était une terre privilégiée, exerçant l’hégémonie sur les autres tribus. Chacun de ces départemens fournissait les dépenses d’un mois. La table du roi, toujours ouverte, consommait par jour 30 kors de fine farine, 60 kors de farine ordinaire, 10 bœufs gras, 20 bœufs ordinaires, 100 moutons, sans compter le gibier et la volaille. Les nissabim faisaient, en outre, arriver l’orge et la paille aux différens postes de cavalerie.