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pour le culte de Iahvé. Les femmes, en général, se montrent, dans l’histoire Israélite, iahvéistes assez tièdes. Le iahvéisme était, comme l’islamisme, une religion presque exclusivement virile.

Salomon commença son règne, à la manière des monarques asiatiques, en faisant disparaître ceux qui pouvaient lui causer le moindre ombrage. C’est là une pratique qui, dans les mœurs de l’Orient, n’entraîne pas le plus léger blâme. Adoniah était peu dangereux. Il s’était pris d’un amour éperdu pour Abisag, la jeune Sunamite qui avait réchauffé la vieillesse de son père. Selon les idées du temps, Abisag devait appartenir au successeur de David. Cette jeune fille, en effet, était passée, avec le harem de David, entre les mains de Salomon. Elle était le joyau du sérail ; Adoniah, qui l’avait vue soigner son vieux père, avait compté sur elle. Il se consolait de la perte de la royauté, mais il ne se consolait pas de la perte d’Abisag. Un jour, il vint trouver Bethsabée, qu’il supposait, comme femme, capable de le comprendre, et il lui dit : « Tu sais bien que le trône m’appartenait et que tout Israël avait les yeux sur moi pour la royauté future. La royauté m’est échappée et est allée à mon frère ; c’est la volonté de Iahvé. Et, maintenant, je te demande une seule chose ; ne me la refuse pas. Dis, je te prie, au roi Salomon, qui ne sait rien te refuser, qu’il me donne Abisag la Sunamite pour femme. » Bethsabée promit d’en parler au roi ; Salomon s’emporta : « Fais mieux, dit-il à sa mère ; demande aussi la royauté pour Adoniah, puisqu’il est mon frère aîné ; demande-moi aussi quelque grâce pour le prêtre Abiathar et pour Joab, le fils de Serouia. » Et, s’emportant toujours davantage, il jura par Iahvé que, ce jour-là même, Adoniah serait mis à mort. En effet, Salomon envoya sur-le-champ Benaïah, chef des Kréti-Pléti, pour le tuer. Peut-être aimait-il Abisag ; peut-être aussi ne cherchait-il qu’un prétexte pour se débarrasser d’un rival.

Abiathar, qui avait été dans le parti d’Adoniah, était odieux à Salomon. Le roi, pourtant, n’osa pas le faire exécuter, à cause de sa qualité de prêtre, « parce qu’il avait tenu l’éphod d’Adonaï-Iahvé devant son père, » et qu’il avait été le compagnon de toutes ses mauvaises fortunes. Il le chassa de Jérusalem, le priva du sacerdoce et l’exila à Anatoth, au nord de Jérusalem, dans ses terres. De la sorte, le sacerdoce officiel, si l’on peut s’exprimer ainsi, appartint exclusivement à Sadok.

Joab, apprenant la mort d’Adoniah et celle d’Abiathar, comprit que son sort était écrit. Salomon, pour le faire mettre à mort, n’aurait pas eu besoin des recommandations de son père mourant. La part qu’il avait eue à la tentative d’Adoniah aurait suffi pour le perdre. Joab alla se réfugier auprès de la tente sacrée et saisit les acrotères de l’autel. Salomon envoya Benaïah pour le tuer. Benaïah