Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

président ; Meunier fut choisi par acclamation comme secrétaire. Les pouvoirs ayant été vérifiés, lecture fut donnée des délibérations dressées à l’hôtel de ville de Grenoble, puis la discussion s’ouvrit. Trois projets de remontrances au roi furent présentés ; celui de Mounier l’emporta. Pour en revoir le texte, une commission fut nommée et la séance suspendue à trois heures[1].

La nuit tombait lorsqu’on apprit que les commissaires avaient terminé leur rédaction.

Dès la reprise de la séance, Mounier lut les propositions. Dans un premier arrêté, les états recherchaient leurs propres titres dans l’histoire du Dauphiné ; rappelant avec fierté les antiques souvenirs des états de leur province, ils s’appuyaient sur les traditions, montraient toutes les garanties faussées, le parlement exilé, toutes les forces détruites, et concluaient que cette vieille institution pouvait seule les protéger. Assurément, ils essayaient en vain de démontrer qu’en l’absence de convocation royale, ils eussent le droit de s’assembler spontanément ; mais toutes les autorités de la province n’étaient-elles pas paralysées et menacées à la fois ? Sans cette initiative, que fussent devenus les privilèges et la sécurité du Dauphiné ?

Après avoir attesté leur fidélité au trône, leur attachement aux principes de la monarchie, ils proclament la vieille « loi fondamentale, aussi ancienne que le royaume, que les Français ne peuvent être imposés sans leur consentement. » Aux états provinciaux doit appartenir la levée des subsides, aux états-généraux seuls le droit de s’instruire de la situation générale des finances, de proportionner les impôts aux besoins réels, d’en voter le montant. La liberté des personnes n’attirait pas moins vivement leur attention ; les députés protestaient contre toute violation de la liberté individuelle, s’élevant contre les lettres de cachet et les ordres arbitraires : « actes de violence qu’on ne saurait respecter sans mépriser les lois. »

À ces affirmations que contenaient la plupart des remontrances, les états ajoutèrent une sanction qui leur appartient en propre : « Arrêté, disent-ils, que les trois ordres de la province, empressés de donner à tous les Français un exemple d’union et d’attachement à la monarchie, prêts à tous les sacrifices, n’octroieront les impôts, par dons gratuits ou autrement, que lorsque leurs représentans en auront délibéré dans les « états-généraux du royaume. »

A côté du vote de l’impôt était inscrit le doublement du tiers ; pour la première fois, le principe est proclamé : « dans les états de

  1. Voir, sur l’assemblée de Vizille, l’intéressant ouvrage que vient de publier M. J.-A. Félix Faure. Paris, 1887 ; Hachette. Tous les procès-verbaux et tous les arrêtés de Vizille s’y trouvent pour la première fois intégralement reproduits.