de Çâkyamouni, puisque, selon lui, les êtres pensans s’acheminent vers le nirvâna, qui implique la défaite finale de Mâra. Enfin cette même doctrine existe chez les chrétiens ; notre Office des morts contient cette formule, tirée de la première épitre aux Corinthiens : Novissima inimica destretur Mors, à la fin l’ennemie sera détruite, la Mort. Le latins mors est identique au sanscrit mâra.
Selon Manès, les deux principes se trouvent dans tout homme, représentés par deux âmes luttant l’une contre l’autre. Par le mot âme, on sait que les anciens n’entendaient pas seulement l’être pensant, mais plutôt le principe de la vie et celui de la pensée ; les manichéens n’étaient donc pas loin de la vérité physiologique. Saint Augustin a longuement et assez mal disserté sur ce sujet contre les disciples de Manès. Quant à la métempsycose pythagoricienne qu’ils professaient, elle n’était que la reproduction de la doctrine bouddhique, qui fait passer les âmes par des vies successives, où s’opère par degrés leur purification. Les chrétiens closent à la mort notre existence corporelle, puis nous font subir un jugement unique, d’où nous sortons élus ou damnés. Et pourtant ils ont vu que cette opinion était trop absolue, car ils ont introduit le purgatoire, qui par ses effets équivaut à la transmigration.
Quoique Manès ne fût pas chrétien, il admettait le Christ. Seulement il ne pensait pas qu’il eût revêtu la chair humaine, qu’il fût né, qu’il eût souffert. En outre, au dire de saint Hilaire, il niait que la substance du Christ fût la même que celle du Père. Comment eût-il pensé d’une autre manière, lorsqu’il rejetait l’idée de la création et ne plaçait rien au-dessus des deux principes ? Il inclinait logiquement au docétisme, qui niait la réalité matérielle du Sauveur. C’est pourquoi Théodoret dit avec raison que les manichéens appelaient le Christ le Soleil de ce monde, que pour eux le Christ n’était pas le corps du Soleil, mais qu’il était dans le Soleil comme père de la lumière inaccessible. C’est ce que nous apprend aussi saint Augustin. En cela les manichéens étaient de purs zoroastriens et pouvaient admettre dans un sens mystique le culte alors très répandu de Mithra. Ils étaient aussi bien d’accord avec les chrétiens qui, dans l’ostensoir du Saint-Sacrement, présentent le corps du Sauveur dans un disque rayonnant. Cet appareil symbolique était, comme je l’ai dit, antérieur aux uns et aux autres-, Quinte-Curce nous apprend que dans les pompes du roi de Perse l’objet qui s’avançait le premier était une image du Soleil radieux placée sous verre.
Manès n’avait qu’une médiocre estime pour les prophètes des Juifs ; il y trouvait beaucoup d’erreurs. Il dirigeait contre les anciens patriarches diverses accusations, et trouvait jusque dans le