Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qui appelait tous les hommes à l’égalité, offrait à cette dynastie un point d’appui dans ses adhérons de toute extraction. Chandragupta avait subjugué l’Inde entière. Quand son petit-fils Açôka monta sur le trône, en 268, il vit ses sujets partagés entre de nombreux cultes polythéistes ; chaque groupe avait son dieu particulier. Au milieu de ces cultes sans cohésion s’était établie l’église indivisible du Bouddha, puissante par l’unité de sa doctrine, par sa hiérarchie, par la supériorité de sa morale et par son universalité. Açôka se déclara bouddhiste et ne songea plus qu’à faire régner la nouvelle religion, non-seulement dans l’Inde, mais encore dans le reste du monde. Il n’employa pour cela ni la persécution, ni la contrainte, ni aucun des moyens qui ôtent à l’homme quelque chose de sa liberté. Ses procédés furent tout autres et, on peut le dire, nouveaux dans le monde.

En effet, immédiatement après la mort du Bouddha, un concile avait été tenu par ses disciples dans la ville de Râjagriha, alors capitale du Magadha. Cette première assemblée, composée de 500 religieux, avait constitué ou du moins consolidé l’église dont Çâkyamouni avait créé les élémens. Elle en avait assuré l’avenir en rédigeant les trois livres, qui, sous le nom de Tripitaka (les trois corbeilles), contiennent les récits et paraboles, la discipline et la métaphysique. Cent ou cent dix ans plus tard, des points obscurs ou des divergences s’étant glissés dans la discipline, un deuxième concile s’était réuni à Patna, nouveau chef-lieu de la même contrée. Sous les princes Mauryas, cette ville était devenue la capitale de l’Inde entière. Açôka y tint le troisième concile en l’année 250, dix-septième de son règne, s’y déclara bouddhiste, y prononça la formule sacramentelle buddha-dharma-sangha : le Bouddha, la Loi, l’Église, et fit un message qui, répandu dans toute la péninsule, nous a été conservé gravé sur la pierre ; il est connu sous le nom d’édit de Bhabra. Dans ce concile fut fixé le canon des Écritures, qui devint ce qu’on a nommé la tradition du Sud. Puis on organisa l’Église en vue de sa propagation. Sous le nom de dharma-mahâmâtra, Açôka créa un ministère des cultes et des missions extérieures. Dès l’année suivante, dix-huit missionnaires partirent pour les pays étrangers ; leurs images se voient dans tous les grands temples de la Chine. Les missions bouddhistes rayonnèrent dans tous les sens : m’attendra, fils d’Açôka, prêcha entre 250 et 230 dans l’île de Ceylan, où il apporta le texte des Écritures, tel que le concile l’avait arrêté ; c’est ce texte pâli qui s’est répandu, soit en original, soit en traduction, dans tout l’extrême Orient, où nous le trouvons.

Une autre mission se dirigea vers l’ouest, chez un peuple que -le texte pâli nomme Pantsays ou Parthes, dans le pays des Yônakas, c’est-à-dire dans la région conquise par les Ioniens ou Grecs