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du monde et agent de la vie. Le Véda des Indiens confirme surabondamment cette interprétation du symbole et donne en même temps le sens premier de la formule chrétienne per quem omnia facta sunt.

Dans la présente étude, nous appelons l’attention du lecteur sur une triple question d’origines. Il s’agit de trois religions ou associations d’hommes ayant des doctrines identiques, un même but, et se rattachant à une source commune. Cette source, qui est orientale, était naguère contestée ; aujourd’hui, elle est pleinement mise en lumière par les recherches des savans, notamment des savans anglais, et par la publication de textes originaux. Parmi ces scrutateurs sagaces, il suffira de citer les noms de Sayce, de Poole, de Beal, de Rhys-David, de Spence-Hardy, de Bunsen ; il serait difficile d’épuiser la liste. Depuis longtemps, en effet, on était frappé des ressemblances, disons plutôt des élémens identiques offerts par la religion chrétienne et celle du Bouddha. Les écrivains les plus croyans et de la plus sincère piété les reconnaissaient. Au siècle dernier, on expliquait ces analogies par une prétendue influence des nestoriens ; mais, depuis lors, on avait rétabli la chronologie orientale et appris que le Bouddha était de plusieurs siècles antérieur à Nestorius, et même à Jésus-Christ. Il fallut donc abandonner cette explication. Mais il ne suffit pas qu’une chose soit postérieure à une autre pour en procéder. Le problème demeura ouvert jusqu’au jour récent où l’on reconnut les voies que le bouddhisme avait suivies et les stations qu’il avait faites, pour atteindre enfin Jérusalem. Il en fut de même de la religion manichéenne. Enfin, nous voyons naître sous nos yeux une association nouvelle, qui s’est créée pour propager dans le monde les dogmes du Bouddha. C’est ce triple sujet que nous allons exposer.


I.

À Kapilavastou[1], ville au nord de Bénarès, régnait Çuddhôdana, de la famille royale des Çâkyas. Il allait épouser Maya, jeune fille de famille royale ; tous deux étaient des personnes accomplies. En ce temps-là, dans un des cercles du ciel, était un Bienheureux destiné à devenir un bouddha, un sage, qui ensuite échapperait aux alternatives de la vie et de la mort. Ce saint vit dans son intelligence que l’Inde avait toujours été le lieu de naissance des

  1. La plupart des lieux rendus célèbres par l’histoire du Bouddha ont été fouillés et déblayés par le général Cuningham. Les faits traditionnels ont été généralement reconnus exacts.