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les espérances et les aspirations politiques de la cour d’Espagne. Le langage du jeune roi ne manque ni d’autorité ni de noblesse.


« Madrid, 22 avril 1712.

« J’ai vu, par la lettre que votre Majesté m’a fait l’honneur de m’écrire et par les papiers que le marquis de Bonnac m’a communiqués de sa part, le nouvel incident qui se rencontrait dans la négociation de la paix. Je connais fort bien toutes les raisons qui vous obligent à chercher les moyens de la faciliter, mais je ne puis m’empêcher de voir avec douleur que ceux qui nous restent pour y parvenir ne soient si extrêmes qu’à cause de l’ardeur avec laquelle on l’a toujours recherchée, qui n’a fait que relever l’orgueil de nos ennemis et leur faire croire que nous achèterions la paix au prix qu’ils voudraient nous la donner…

« Je ne puis m’imaginer que la témérité des Anglais aille jusqu’à prétendre que j’abandonne dès à présent, pour une succession incertaine, la possession certaine de la couronne d’Espagne, et que je me retire en France comme un simple particulier, ou à m’obliger à renoncer à la couronne de France pour moi et mes descendans, en gardant seulement, de toute la monarchie d’Espagne, l’Espagne et les Indes.

« Ce sont là mes réflexions. Pour en venir à présent à la réponse que vous me demandez, je commence par vous avouer que j’ai été surpris de voir qu’avant de faire des propositions telles que les dernières, on n’ait pas songé à en faire qui fussent suivant les lois de la succession naturelle, et rassurassent en même temps les ennemis de la crainte qu’ils ont de la réunion des deux monarchies. »

Ces lois, dont on pourrait mettre l’exécution d’accord avec les nécessités de la politique, exigeraient tout au moins, écrivait Philippe, après des commentaires un peu prolixes, « qu’un de mes enfans régnât sur l’un des deux royaumes, tandis que je régnerais sur l’autre, sans me mêler en aucune manière de le gouverner ou de mettre aucun des miens auprès de lui. »

Le jeune prince caressait toujours les ambitieuses visées que Bonnac avait entrevues, et qui devaient enfanter un jour la conspiration de Cellamare.

« J’espère, continuait-il, que vous voudrez bien faire attention à une chose aussi juste que celle-là, et aussi conforme à votre tendresse paternelle, pour tâcher d’y faire entrer les ennemis.

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« Mais si, malgré cela, les Anglais persistent à demander… que je renonce à la succession de France, et que la continuation de la