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de France, celles de son frère, le duc de Berry, et de son cousin, le duc d’Orléans, à la couronne de France.

On peut dire que l’affaire des renonciations fut d’une importance capitale, puisque la conclusion de la paix qui devait sauver la France, ou la continuation de la guerre qui l’eût infailliblement ruinée, dépendait principalement de la solution qu’il plairait à Louis XIV et à Philippe V de lui donner. Il semble, au reste, que les questions qui s’y rattachent n’ont pas perdu toute actualité, puisque, dernièrement encore, un zèle, à la sincérité duquel il faut, sans doute, rendre hommage, mais que nous ne pouvons nous défendre, pour notre compte, de trouver bien inopportun, bien irréfléchi, a voulu méconnaître l’inébranlable autorité des actes solennels qui ont exclu, à jamais, du trône de France, toutes les branches des Bourbons d’Espagne.

Nous croyons que le public, attentif aux salutaires enseignemens et aux impartiales leçons de l’histoire, ne lira pas sans intérêt cette nouvelle étude. Quand les perspectives du présent font naître, dans les âmes françaises, la tristesse et le doute, quand de sombres nuages dérobent aux regards anxieux celles de l’avenir, les récits du passé qui montrent, après les défaillances coupables de notre politique, après les revers de nos généraux, après les douloureux mécomptes de nos diplomates, la grandeur renaissante de notre patrie, ne doivent-ils pas avoir leurs charmes, quelle que soit la plume qui les ait tracés ? Ne peut-on y puiser des consolations et aussi des espérances ?


I

Lorsque le roi Louis XIV eut pris connaissance du testament par lequel Charles II léguait à un fils de France ses vastes états, il demeura, pendant quelques jours, soucieux et perplexe. L’éclatante victoire que sa diplomatie venait de remporter, avec l’appui du vieux pape Innocent XII, sur un terrain glissant, périlleux, semé d’écueils et d’embûches, où elle avait eu à lutter contre les audacieux efforts de la maison d’Autriche, l’émut profondément, bien qu’il l’eût préparée, de longue main, par d’habiles sacrifices et des combinaisons laborieuses. Ce ferme esprit, si porté qu’il fût, par sa nature, aux résolutions décisives, si clairvoyant, si pénétrant, si net que l’eussent rendu, à la longue, l’expérience des plus vastes affaires et la constante habitude d’envisager froidement les conséquences pratiques de toute chose, hésita anxieusement devant les données de l’effrayant problème dont il était saisi. La modération politique dont il avait fait preuve, aux yeux de l’Europe étonnée