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gibborim, pour réduire Séba. Joab et Amasa se rencontrèrent près de la grande pierre qui est à Gabaon. Ils affectèrent l’un pour l’autre la plus tendre amitié ; Joab s’avança pour baiser la barbe d’Amasa, et en même temps il lui perça le ventre de son épée. Les entrailles se répandirent à terre. Amasa se roulait dans son sang au milieu du chemin/ Tout le monde s’arrêtait pour le regarder. On le tira dans un champ, on jeta un manteau sur lui, et il expira. Sa troupe se joignit presque tout entière à celle de Joab, pour se mettre à la poursuite de Séba.

Séba recula jusqu’à l’extrémité du pays d’Israël, et se renferma dans Abel-Beth-Maaka, au nord du lac Houle. Joab fit le siège de cette petite place. Les habitans, voyant les malheurs que les rebelles allaient attirer sur eux, coupèrent la tête de Séba et la jetèrent à Joab par-dessus le mur. Alors, chacun des hommes qui composait l’armée rentra chez lui, et Joab revint à Jérusalem.

Amasa, qui aurait pu être un si grand embarras pour David, avait encore disparu de ce monde sans que David y fût directement pour rien. C’était Joab seul qui était responsable de l’assassinat. Nous verrons bientôt comment David se fit sur Joab l’exécuteur de la justice divine pour un crime dont il avait touché les fruits.


VIII

« Et le roi David était vieux[1], avancé en âge, et, bien qu’on le couvrît de vêtemens, il n’avait pas chaud. Et ses serviteurs lui dirent : « Qu’on cherche pour monseigneur le roi une jeune fille « vierge, et qu’elle se tienne devant le roi ; et qu’elle lui serve de « compagne, et qu’elle couche dans son sein ; ainsi monseigneur le « roi aura chaud. » Et l’on chercha la jeune fille dans toute l’étendue d’Israël, et on trouva Abisag la Sunamite, et on l’amena au roi, et elle le servait ; mais le roi ne la connut pas comme épouse. »

Cette pauvre fille n’aurait guère mérité de figurer dans l’histoire, sans une circonstance qui lui prêta un rôle tragique. Sa beauté inspira une violente passion à l’un des fils de David, qui se consola par elle de la perte d’un royaume et joua pour elle sa vie. Nous verrons ces événemens se développer à leur jour.

Plus le roi vieillissait, plus les intrigues se multipliaient autour de lui. Depuis la mort violente d’Amnon et d’Absalom, la succession à la couronne préoccupait tout le monde. David envisageait Salomon comme son successeur. Ce n’est pas qu’il fût l’aîné ; mais

  1. I Rois, I, 1 et suiv.