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n’avaient pas voulu garder chez eux cet hôte redoutable, et l’avaient renvoyé pour qu’il devînt ce qu’il voudrait. Un accident qui arriva dans le cortège troubla l’enthousiasme joyeux. Un des fils d’Abinadab, ou peut-être simplement un des hommes du cortège, tomba évanoui, et, dit-on, mourut. Cela parut une marque du mécontentement de Iahvé. On s’arrêta. « David eut peur de Iahvé ce jour-là, » et, ne voulant point amener l’arche à Sion, il la fit déposer dans la maison d’un certain Obédédom, qui devait être située vers les abords nord-ouest de la ville actuelle. Obédédom était un de ces Gattites qui s’étaient attachés à la fortune de David. Sa qualité de non-Israélite faisait peut-être croire que Iahvé serait moins exigeant et moins sévère envers lui qu’envers ceux qui avaient à son égard un pacte plus spécial ; peut-être aussi Obédédom, étranger à la religion de Iahvé, fut-il moins enrayé que les autres des responsabilités qu’il encourait et laissa-t-il faire.

L’accident de la route donna bien vite naissance à des légendes. On raconta qu’Uzza, ayant vu les bœufs broncher et l’arche sur le point de tomber, porta la main pour la soutenir. Or Iahvé ne souffrait pas plus d’être touché que regardé. Il n’aimait pas qu’on se mêlât de ses affaires, même pour l’aider. Il frappa de mort l’indiscret. On fit des remarques sur les noms de lieux. L’endroit où l’accident était arrivé s’appelait Pérès-Uzza, et il y avait là une aire dite Gorn-Nakon ou Gorn-Kidon, noms auxquels on trouva des sens fâcheux.

L’arche resta trois mois dans la maison d’Obédédom, et fut pour cette maison une source de bénédictions. David alors se ravisa, et, voyant que le coffre portait bonheur, le voulut près de lui, dans sa ville de Sion. La distance était très peu considérable. David organisa une translation à bras, plus solennelle encore que la première, et dont on raconta également des merveilles. A chaque six pas, on immolait un taureau et un veau gras. David, revêtu d’un éfod de lin, dansait de toute sa force devant Iahvé. Tout Israël dansait, criait, sautait à l’entour, au son des trompettes et des instrumens. L’arche fut ainsi amenée jusqu’à Sion, où on lui avait préparé une tente, sans doute dans le millo, à côté du palais.

On sent encore le rythme de ces danses sacrées dans un cantique, remanié à plusieurs reprises, qui nous a été conservé dans le livre des Psaumes[1]. Le début du cantique nous reporte aux temps les plus antiques du culte d’Israël :

Que Dieu se lève, et que ses ennemis se dissipent ; que ceux qui le haïssent fuient devant sa face. Comme disparaît la fumée, qu’ils

  1. Psaume LXVIII.