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temps reculés, que la gloire de David ne nous est arrivée que par des chants bien postérieurs. Un écho de l’ancien lyrisme nous est cependant parvenu dans les cantiques traditionnels, où presque toujours le nom de Juda provoque une explosion d’enthousiasme.


Juda, toi, tes frères te loueront,
Ta main sera sur la nuque de tes ennemis,
Les fils de ta mère se prosterneront devant toi.
C’est un petit de lion que Juda ;
Tu montes repu du carnage, ô mon fils ;
Le voilà qui s’étend, qui se couche,
Comme un lion, comme une lionne ;
Qui osera le réveiller ?
Le bâton ne sortira pas de Juda,
Ni le sceptre d’entre ses pieds,
Jusqu’à ce que vienne le pacificateur,
Auquel toutes les tribus obéiront.
Il attache son âne à la vigne,
Au plan de Soreq le fils de son ânesse.
Il lave son vêtement dans le vin,
Dans le sang du raisin sa tunique.
Les yeux rouges de vin,
Les dents blanches de lait[1].


Les oracles rythmés de Balaam étaient comme des couplets ouverts à toutes les fortes émotions nationales. On cita parmi les paraboles du prophète païen la strophe que voici :


Je le vois ; mais ce n’est pas encore ;
Je l’entrevois, mais non de près.
Une étoile se lève de Jacob,
Un sceptre sort d’Israël.
Il broie les cantons de Moab,
Il écrase tous les orgueilleux.
Édom sera sa possession,
Ses ennemis lui seront soumis ;
Israël remportera la victoire,
Jacob dominera sur eux tous,
Et perdra les restes de Seïr[2].


Certes, il n’est pas impossible que David, qui avait du goût pour la poésie, ait composé quelques chants exprimant son sentiment

  1. Gea., XLIX, 8-11.
  2. Nombres, XXIV, 17-18.