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nous offrent les poèmes homériques de la vie héroïque des Hellènes du même temps. Une telle ressemblance vient peut-être en partie de ce que les Philistins, qui furent, dans l’ordre des choses militaires, les maîtres d’Israël, étaient eux-mêmes une peuplade d’origine carienne ou crétoise, très analogue aux Pélasges, et que certains rapprochemens mettent en rapport avec les bandes du cycle troyen. L’autre épopée d’Israël, celle de Samson, naît aussi d’un contact intime d’Israël avec les Philistins. On dirait que les Philistins possédaient des branches du cycle homérique et inspiraient l’esprit épique autour d’eux.

Un fait capital, en effet, et dont la conséquence ne saurait être exagérée, est la part que les Philistins semblent avoir eue dans l’œuvre organisatrice d’Israël. Ce n’est pas la seule fois qu’on ait vu, dans l’histoire, l’ennemi héréditaire devenir pour la nation rivale un éducateur. La lutte contre les Philistins avait fait la royauté d’Israël ; David avait passé dix-huit mois de sa vie au service du roi de Gath, et il avait puisé à cette école quelques-unes des données qui firent sa force ; Gath lui fournit toujours des hommes de confiance et des auxiliaires. Cet Obédédom, dont la maison servit quelque temps d’abri à l’arche, était de Gath. On apprend beaucoup de ceux que l’on combat. L’intelligence singulièrement ouverte de David sortit, grâce à des relations suivies avec une race plus milicienne qu’Israël, du petit système stratégique dont les tribus sémitiques avaient la plus grande peine à se dégager.

Les premières années de David se passèrent à continuer les guerres qui avaient rempli le règne précédent. Le malheureux Saül avait trouvé la mort au cours d’une expédition que les Philistins poussèrent jusque dans la plaine de Jezraël, et dont l’objectif est difficile à déterminer. Quelle fut la suite de la bataille des monts Gelboé ? Que fit l’armée victorieuse, si loin de son centre d’opérations ? On l’ignore. Il est probable que la victoire des Philistins fut sans conséquence durable. En effet, les campagnes de David devenu roi et de ses lieutenans eurent toutes lieu, non du côté de Jezraël, mais sur les frontières mêmes du pays des Philistins, vers Nob, et dans la plaine qu’on appelait « plaine des Refaïm. »

Le récit de ces expéditions a conservé, dans la Bible, sa forme la plus antique. Iahvé s’y montre stratège accompli et prend part lui-même au combat. La bataille de Baal-Peracim, surtout, laissa de profonds souvenirs. Lorsque les Philistins apprirent qu’on avait oint David comme roi de tout Israël, ils voulurent s’emparer de sa personne. David le sut, et il se réfugia dans la forteresse de Sion. Les Philistins, n’ayant pu le saisir, se répandirent dans la plaine des Refaïm. David consulta Iahvé : « Marcherai-je contre les