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concession qui serait inouïe si, par ailleurs, elle n’avait répondu aux besoins de sa politique. Les Chananéens et les Hittites étaient aussi portés au iahvéisme que les Israélites. Les Gabaonites, tout en reconnaissant que Iahvé était le dieu des vainqueurs, adoraient Iahvé et lui offraient des sacrifices humains. A Jérusalem, nous voyons, d’après certains textes, un Jébuséen nommé Arevna ou Averna, resté riche et propriétaire après la conquête, dans les meilleurs termes avec David, et prenant part à tout ce que le roi fait pour le culte de Iahvé.

Les conséquences de cette politique de conciliation auraient pu être excellentes. On marchait vers le genre de fusion qui constitue une nation. Les distinctions des anciennes tribus s’affaiblissaient. Les Benjaminites avaient joué un rôle si intimement lié avec celui des Judaïtes dans la confection de la royauté, que les deux tribus devinrent désormais presque indiscernables. Jérusalem était située sur la limite des deux tribus et devenait pour elles une capitale commune. La réunion était d’autant plus facile que Benjamin était petit et ne consistait guère qu’en quelques fiefs militaires. La royauté se rattacha ces fiefs, et Benjamin devint ainsi une sorte de domaine royal à la porte de Jérusalem. Les autres tribus abdiquaient presque devant Joseph ou Ephraïm. Tout se polarisait donc sur Ephraïm et Juda. Mais, entre ces deux grandes moitiés de la nationalité d’Israël, le rapprochement n’était qu’apparent. Le pouvoir de David était peu de chose dans les tribus du Nord. L’importance grandissante de Jérusalem excitait une réaction de jalousie en ces régions, dont la colline jébuséenne n’était nullement la capitale. La gloire de David faisait tressaillir de joie les gens d’Hébron, de Bethléhem, même de Benjamin, malgré de nombreux ressentimens Saülides ; elle n’excitait dans le Nord qu’indifférence ou malveillance. On sent que la déchirure d’Israël se fera le long de cette suture imparfaite qui laissa toujours visible la dualité primitive des Beni-Jakob et des Beni-Joseph.


II

C’est surtout par la guerre que la royauté naissante d’Israël inaugura une ère nouvelle, essentiellement différente des temps antérieurs. La forte bande que David s’était faite à Adullam et à Siklag devint le noyau d’une excellente armée permanente, qui eut, à son heure, la supériorité dans tout le midi de la Syrie. Jusque-là, Israël avait souffert des attaques perpétuelles de ses voisins, et s’était toujours, montré inférieur aux Philistins. Maintenant les Philistins vont être domptés, les peuples voisins rendus