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tait, il est vrai, aux libéraux une dernière chance, ou du moins un moyen d’atténuer le succès de leurs adversaires. Le dernier mot n’était pas dit encore : il y avait un ballottage à Nivelles et surtout à Bruxelles, où l’on avait à nommer huit sénateurs et seize représentans. Grand émoi dans tous les camps jusqu’au moment décisif ! Le scrutin de ballottage a été un nouveau mécompte, plus grave encore que tous les autres, pour les libéraux, qui n’ont réussi à faire élire qu’un seul député, le bourgmestre de Bruxelles, M. Buis, et un sénateur, M. de Brouckère. Le scrutin du 19 juin a achevé la victoire des conservateurs.

C’est une sorte de désastre pour les libéraux dépossédés là même où ils croyaient régner encore, à Bruxelles. À quoi tient cette défaite ? Elle est due sans doute aux divisions des libéraux, à la scission qui s’est accomplie entre les modérés du vieux libéralisme et les radicaux. C’est la cause apparente et immédiate au dernier scrutin. Il faudrait peut-être, à vrai dire, remonter plus haut pour retrouver la cause plus sérieuse de cette révolution d’opinion, et les libéraux, qui ont été longtemps au pouvoir, pourraient se demander avec fruit s’ils n’ont pas préparé eux-mêmes, par leurs fautes, la victoire si décisive et si persistante des conservateurs de Belgique.

Il y a toujours place pour une crise en Espagne, et c’est encore heureux quand tout finit par un changement de ministère. La crise qui vient de se produire n’avait, à vrai dire, rien d’imprévu ; elle avait commencé pendant le voyage de la reine à Barcelone et à Valence, elle s’est précipitée dès la rentrée de la régente et des principaux membres du gouvernement à Madrid. Le prétexte apparent et saisissable a été le conflit qui s’est élevé entre le gouverneur militaire de Madrid, le général Martinez Campos, et le ministre de la guerre, le général Cassola, à propos d’une querelle d’étiquette, au sujet d’un mot d’ordre à demander à une infante, la princesse Eulalie. L’incident n’aurait eu peut-être que peu d’importance dans un autre moment ; il a pris, dans les circonstances présentes, une certaine gravité, et parce que le général Martinez Campos est toujours un personnage à ménager, et parce qu’il y avait, on le sentait, des dissentimens plus profonds provoqués surtout par les réformes militaires, dont le ministre de la guerre, le général Cassola, s’est fait dans ces derniers temps l’aventureux promoteur. Le conflit d’étiquette n’était que le prétexte ; ce qu’il y avait de grave, c’était la situation difficile et embarrassée où le ministère se sentait et allait être plus que jamais placé. Toujours est-il qu’à peine rentré à Madrid, le président du conseil, M. Sagasta, s’est trouvé en face de cet incident malencontreux, de cette querelle, qui a été bientôt l’affaire du ministère tout entier, qui a divisé le gouvernement. Les uns ont pris parti pour le général Martinez Campos, les autres ont paru soutenir le général Cassola. Si M. Sagasta a essayé d’abord de