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Il n’en a rien été. En vain le saint-synode a, sous l’inspiration du métropolite Platon, consenti, dès le commencement du siècle, à l’ordination de prêtres destinés à officier selon les anciens rites, les adhérons de cette nouvelle église, ou mieux de cette ancienne liturgie, désignés sous le nom d’édinovertsy, c’est-à-dire d’uni-croyans, sont demeurés peu nombreux. Les raskolniks ont craint que, sous le couvert d’une pacification, on ne leur offrît qu’une soumission. Ils se plaignent que les anciens rites restent dans une position inférieure vis-à-vis des cérémonies en usage depuis Nikone. Les évêques orthodoxes ont beau consentir à bénir les partisans des vieux livres selon l’ancien rituel, cela ne leur suffit point. La plupart refusent de rentrer au bercail officiel.

Ainsi s’explique comment le raskol a été à peine entamé par un compromis qui semblait devoir clore le schisme. Quoiqu’ils fassent chaque année des recrues mentionnées avec soin par les rapports du haut-procureur du synode, les vieux-croyans unis ne dépassent guère 1 million; et, parmi eux, beaucoup ne semblent s’être ralliés que pour la forme ou par amour de la tranquillité. En 1885, ils n’avaient, dans tout l’empire, que 244 églises, et ces églises restaient souvent vides. Parmi ces édinovertsy, il y a des indifférens, des « mondains » qui fréquentent peu la maison du Seigneur. D’autres, après avoir extérieurement adhéré à l’union, continuent à se rendre en secret aux oratoires des dissidens. Quelques-uns retournent ostensiblement au schisme et vont, chez leurs anciens coreligionnaires, faire pénitence de leur faiblesse. Il se trouve de ces relaps jusque parmi le clergé. Ainsi, en 1885, le père Verkhovsky, curé d’une église uni-croyante de Pétersbourg, abandonnait sa paroisse pour se réfugier à la métropole de Bélokrinitsa. Les édinovertsy qui persistent dans l’union manifestent, d’habitude, plus de sympathie pour les vieux-croyans schismatiques que pour les orthodoxes de l’autre rite. Ils ne forment guère, en réalité, qu’un parti de plus parmi les popovtsy. La plupart conservent leur fanatique attachement pour l’ancien rituel. La tolérance que témoigne pour leurs usages l’église dominante, ils sont loin de la montrer pour les siens. Il ne fait pas bon, dans leurs églises, de prier à la façon « nikonienne. » j’ai entendu raconter qu’un orthodoxe qui, par mégarde, avait, durant un de leurs offices, fait le signe de la croix avec trois doigts, avait été brutalement jeté à la porte. Ces orthodoxes du vieux rite mettent non moins de scrupule que les dissidens à ne se servir que des anciens livres et de l’ancienne notation musicale à neumes ou crochets (kriouki). Ils ont, pour l’impression de leurs missels, une typographie à Moscou. Outre leurs églises, consacrées spécialement pour eux, ils possèdent des