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que les fanatiques du raskol ont trouvée trop libérale ou trop tolérante pour l’église officielle.

Les poportsy, les vieux-croyans proprement dits, restent scindés en trois groupes inégaux : 1° ceux, en petit nombre, qui repoussent toute la hiérarchie autrichienne, se contentant, comme par le passé, de prêtres dérobés à l’église officielle; 2° ceux qui reconnaissent la hiérarchie issue de Bélokrinitsa et adhèrent à la circulaire de 1862 ; 3° ceux qui, tout en reconnaissant le nouvel épiscopat, rejettent l’encyclique comme entachée d’hérésie. Entre ces trois partis, entre les deux derniers surtout, de beaucoup les plus considérables, la lutte est très vive. Tous deux ont chacun leurs évêques, qui parfois s’excommunient et se déposent les uns les autres. On a vu en différentes villes, à Moscou notamment, libéraux et intransigeans élever autel contre autel, chaire contre chaire.

La reconstitution d’un épiscopat vieux-ritualiste n’a pu ainsi mettre fin aux divisions des partisans des vieux rites. L’esprit de secte, inhérent au raskol, a survécu. La tolérance relative montrée au schisme, sous Alexandre III, semble avoir encore attisé ses querelles intestines. Depuis qu’ils sont maîtres de vaquer à leurs fonctions, les évêques vieux-croyans ont pu donner cours à leurs rivalités. Longtemps, sous Nicolas, sous Alexandre II même, ils avaient été obligés de se cacher et de se déguiser pour visiter leur troupeau. Vers la fin du règne d’Alexandre II, tout l’épiscopat starovère était en exil ou en prison. L’état avait traité ces pseudo-évêques comme des usurpateurs qui s’appropriaient indûment des dignités auxquelles ils n’avaient aucun droit. Ceux d’entre eux qui étaient tombés entre ses mains, le gouvernement impérial les avait enfermés, comme des popes rebelles, dans le monastère-forteresse de Souzdal, qui sert au clergé de prison ecclésiastique. Ils n’en sont sortis qu’en 1881, sous le ministère de Loris Mélikof. Des trois évêques du schisme, alors mis en liberté, l’un, Konon, était octogénaire et avait été vingt-trois ans incarcéré dans la geôle orthodoxe. La captivité de ses deux collègues, également deux vieillards, avait duré une vingtaine d’années. Lorsqu’ils furent élargis sur les réclamations de la presse, ces confesseurs de la vieille foi semblaient, comme le disait le Golos,, avoir été oubliés.

Depuis qu’ils sont libres de « dresser la vraie croix » sur la terre russe, les hiérarques vieux-orthodoxes se réunissent fréquemment en concile ou synode pour les affaires de leur église. Ils sont aujourd’hui une quinzaine d’évêques résidant dans l’empire. Sur ce nombre, quatre ou cinq appartiennent à la fraction des fanatiques qui rejettent la circulaire. Ces prélats starovères des deux partis