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Le problème était résolu, mais quelques appréhensions subsistaient encore, et il y avait place pour bien des améliorations.

Heureusement, non pour l’avenir de la navigation à vapeur, qui était désormais assuré, mais pour la réalisation des espérances conçues par les impatiens de progrès, il se trouva un homme énergique et capable qui devait attacher son nom à cette industrie nouvelle et en tirer les millions qu’elle contenait en germe. M. Samuel Gunard, résident de Nova-Scotia, fut le premier à concevoir l’idée d’organiser, entre les États-Unis et l’Angleterre, un service régulier de communications sûres et promptes. En 1838, il se rendit en Angleterre, s’aboucha par l’entremise de sir James Melvill avec M. Robert Na-pier, de Glasgow, le grand constructeur de navires, et s’entendit avec lui pour mettre sur le chantier quatre bâtimens à vapeur de 1,200 tonneaux chacun et de 440 chevaux de force. Ces constructions dépassant les ressources dont il pouvait disposer, il s’associa avec MM. Burns et Mac Iver, propriétaires de navires à voiles, qu’il gagna à ses idées.

Sur leurs sollicitations, le gouvernement britannique consentit à leur confier le transport des malles qui s’effectuait alors au moyen de vieux bricks de guerre réformés, d’une sécurité douteuse et de paresseuse allure. Il leur fut alloué 60,000 liv. sterling, 1,500,000 fr. pour ce service, à la condition toutefois que leurs navires seraient aménagés de façon à pouvoir être utilisés pour le transport des troupes en cas de guerre. En 18Û0, les quatre navires étaient achevés, et le Britannia prenait la mer à destination de Boston, où il arrivait après une traversée de quatorze jours, acclamé par une foule immense, salué par des salves d’artillerie. La ville pavoisée accueillit M. Cunard avec de tels transports d’enthousiasme qu’il ne reçut pas moins de mille huit cents invitations à dîner en vingt-quatre heures ; on dut leur substituer un gigantesque banquet dans lequel on célébra, avec force toasts et discours, l’inauguration des communications postales par voie rapide avec l’Europe. Les Américains ne s’exagéraient pas l’importance de cet événement, et un avenir prochain donnait raison à leurs prévisions. L’immigration allait décupler leurs forces et les ressources de leur sol ; une voie nouvelle s’ouvrait à leur commerce, et, de la barrière naturelle que l’océan créait entre eux et l’Europe, il ne subsistait que ce qu’il fallait pour assurer leur sécurité sans entraver leur prospérité.

Sous l’active direction de M. Samuel Cunard et de ses associés, cet embryon de flotte s’accrut rapidement. Leurs premiers navires portaient 225 tonnes de marchandises et ne pouvaient recevoir que 90 passagers de première classe. Ces proportions étaient insuffisantes pour un trafic et un transit croissans. Au Britannia, à l’Acadia, au