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Aucune combinaison constitutionnelle ne peut suffire par elle-même, sans le bon esprit politique des gouvernans et des gouvernés. Il faut beaucoup de savoir-faire et de prudence pour tirer profit d’un procédé dilatoire qui ne résout les difficultés qu’en les ajournant. « Le but et l’effet du veto dit Benton, consistent à suspendre l’adoption d’une loi jusqu’à ce que la nation se prononce aux élections prochaines, et fasse admettre ou rejeter définitivement la loi en litige par un congrès pertinemment élu. C’est une prérogative juste et convenable, accordée à l’exécutif dans l’intérêt du peuple, et judicieusement confiée à l’élu du peuple. »

Au fond, ce pouvoir négatif emprunte sa force à l’appui des minorités conservatrices, et constitue la plus flagrante dérogation à la règle démocratique des majorités. On le retrouve à tous les degrés de la hiérarchie gouvernementale. En face du congrès de l’Union est le président de la république ; en face de la législature dans l’état particulier est le gouverneur de l’état ; en face du conseil municipal est le maire. Chacun de ces hommes est indépendant des assemblées par son origine et possède le droit de veto. Les Américains veulent voir la responsabilité personnelle de leurs élus spéciaux s’affirmer devant chaque collectivité irresponsable ; ils ont assez de confiance dans la fermeté du libéralisme conservateur de la nation pour ne pas redouter encore l’éventualité d’une dictature de surprise ou de découragement.


DUC DE NOAILLES.


(Extrait du second volume de Cent ans de république aux États-Unis, qui paraîtra prochainement.)