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se trouve en même temps poussée à l’extrême et méconnue. Cette contradiction n’embarrasse pas des esprits moins préoccupés d’observer la stricte logique que d’assurer l’indépendance et l’énergie du gouvernement.

Aux États-Unis, les lois ne deviennent pas définitives de par la volonté du parlement seul. Elles doivent encore être soumises à l’examen du président, qui dispose d’un délai de dix jours[1] pour se prononcer. Donne-t-il sa signature, les lois entrent aussitôt en vigueur. Mais la constitution lui confère le droit d’opposer son veto et de renvoyer avec ses objections tout bill quelconque à celle des chambres qui en a pris l’initiative. Le congrès délibère et vote de nouveau. Seulement la majorité simple ne suffit plus. Les bills renvoyés par le président n’acquièrent force de loi qu’à la condition d’être adoptés par les deux tiers des suffrages de chacune des deux chambres. Sinon, le pouvoir exécutif l’emporte ; le parlement est battu.

Il ne s’agit pas, d’ailleurs, d’une attribution exclusivement fédérale. La même prérogative, subordonnée à des règles analogues, appartient au gouverneur dans tous les états particuliers de l’Union, comme au maire dans un grand nombre de municipalités, et non des moins importantes.

Les constituans d’Amérique comptaient beaucoup sur l’efficacité du veto présidentiel pour donner à la législation les garanties nécessaires de sagesse et d’équité. Non pas que le président fût présumé supérieur en lumière au congrès. Mais la saine doctrine du contrôle mutuel trouvait ainsi une heureuse application. Les assemblées sont trop sujettes à se laisser égarer par les passions du moment et à subir les influences locales ; car les députés et les sénateurs représentent surtout les districts ou les états particuliers qui les ont choisis. L’intérêt général exige que les lois soient examinées à un point de vue moins étroit. Le mode d’élection du président, ses fonctions différentes, le placent au-dessus des divisions parlementaires et des querelles de clocher. Élu par le peuple de tous les états, il est en meilleure situation pour discerner et défendre la politique nationale. Ses objections éclairent le congrès, qui, mieux informé, peut changer d’avis.

D’ailleurs, pensait-on, lorsqu’un veto intervient et que les chambres, après délibération nouvelle, ne confirment pas leur décision première par des majorités imposantes, il y a présomption légitime contre la loi en litige. L’accord démontré du pouvoir exécutif avec la minorité législative justifie l’ajournement. Si les deux tiers du

  1. Les dimanches exceptés.