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chambres et de recommander l’adoption des mesures jugées par lui opportunes. Il peut aussi recourir à l’entremise de députés ou de sénateurs amis, qui se chargent d’introduire en leur propre nom les bills élaborés d’avance par les membres du cabinet. Personne n’ignore quel est le véritable inspirateur des propositions présentées sous cette forme. Mais l’équivoque subsiste, et chacun d’en profiter.

Plus tortueuse encore est la procédure suivie dans les discussions budgétaires. Heureusement pour les Américains, le chiffre restreint des frais militaires et les gros excédens de ressources qui proviennent des douanes aplanissent beaucoup les difficultés. Puis le budget des recettes n’est pas annuel aux États-Unis. Les lois de finances déterminant les revenus publics ne se distinguent pas des autres, et restent en vigueur jusqu’à ce que le congrès les abroge ou les modifie. Enfin, parmi les dépenses mêmes, plusieurs et de fort importantes, telles que l’intérêt de la dette nationale, l’amortissement, etc., échappent aux débats de chaque session et sont permanentes. En 1880, elles s’élevaient à 47 pour 100 du budget total.

Quant aux dépenses annuellement discutées, chacun des ministres prépare le compte relatif à son propre département. Les divers projets, réunis par le secrétaire du trésor (ministre des finances), en un volume d’au moins 300 pages, sont adressés à la chambre sous le nom de Lettre du secrétaire du trésor transmettant les projets d’affectations de dépenses pour l’année fiscale. C’est cet ensemble de documens qui sert de base à l’établissement du projet de loi. Le travail s’effectue à la chambre d’abord et en partie double par les soins de deux grands comités permanens : le comité d’appropriation et le comité des voies et moyens. Les chapitres distincts sont d’ailleurs envoyés aux comités permanens spéciaux (comités de la guerre, de la marine, etc.), et reviennent ensuite aux comités financiers proprement dits, lesquels parachèvent le projet définitif, puis le présentent à l’assemblée.

Une fois voté, le budget émigré au sénat, où il passe par la même filière des comités permanens, pour revenir amendé à la chambre, qui le retourne encore au sénat, jusqu’à ce qu’enfin, de guerre lasse, l’affaire se termine par une cote mal taillée. Entre temps, les ministres ont entamé des négociations personnelles avec les présidens des comités parlementaires, afin d’obtenir que des réductions trop cruelles ne fussent pas opérées sur leur budget respectif.

A travers ce dédale, tout le monde marche au hasard. Le ministère s’en tire comme il peut, a dit ici même M. de Laveleye