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égaux. Il fallut que le président du sénat, usant de la faculté de voter qui lui appartient en pareille occurrence, départageât rassemblée pour assurer la victoire de l’exécutif. Si faible que fût la majorité, l’interprétation adoptée alors, grâce à l’appui de Madison et de John Adams, resta maintenue pendant près de quatre-vingts ans. Ceux mêmes qui la désapprouvaient, et Webster entre autres, admettaient que la question de droit constitutionnel était désormais résolue.

En 1867 seulement, après la guerre civile de la sécession et l’assassinat de Lincoln, le congrès revint sur la jurisprudence de 1789 et décida qu’à l’avenir aucune destitution ne serait définitive sans l’agrément du sénat. La loi nouvelle (tenure act) rompait ouvertement avec les véritables doctrines de l’Amérique. M. Holman s’efforça de le démontrera la chambre, lorsque le président Johnson y fut l’objet d’une proposition d’impeachment pour avoir révoqué -de sa propre autorité le ministre de la guerre.

C’était la première fois que les chambres du congrès engageaient toutes deux et directement la lutte avec le président des États-Unis, non pas sur l’exercice plus ou moins correct de la puissance exécutive, mais sur cette puissance même, afin de la mettre en tutelle. Depuis lors, la loi de 1867 n’a été que partiellement amendée ; elle subsiste encore aujourd’hui. Ni les réclamations réitérées des successeurs de Johnson, ni les votes conformes de la chambre des représentons, n’ont pu amener le sénat à se dessaisir entièrement de l’arme légale que les circonstances avaient mise en sa possession.

A vrai dire pourtant, le tenure act, dirigé contre la personne d’un chef d’état suspect à son parti, restreint moins qu’on ne le croirait d’abord l’indépendance du président titulaire, arrivé régulièrement au pouvoir. Car celui-ci a rarement lieu de révoquer des ministres qu’il a choisis lui-même parmi ses plus chauds partisans. Le vice-président Johnson se trouvait dans une situation très différente. Parvenu soudain à la présidence par suite de l’assassinat d’Abraham Lincoln, on voulait le forcer à conserver malgré lui les ministres nommés par son prédécesseur.

Si restrictifs que puissent être d’ailleurs les effets produits par la loi de 1867, la responsabilité politique n’est nullement déplacée. Le cabinet n’y participe pas plus actuellement qu’autrefois. En dépit des contradictions de la logique américaine, le président est seul responsable des actes du pouvoir exécutif. La constitution l’autorise à requérir l’opinion écrite des ministres sur les affaires qui intéressent le département spécial de chacun d’eux. Cette disposition a pour objet, non d’assujettir le magistrat suprême, mais de rendre plus étroite la subordination de ses principaux auxiliaires envers lui.