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coupe-jarret à Louis XIV « comme un homme qui a très bien servi[1]. » Cette série de coïncidences est fâcheuse pour la réputation de Mazarin.

Quel pouvait être le but de l’attentat ? provoquer une sédition ? cela échoua ; — tuer M. le Prince ? on en courut la chance ; — entraîner Condé dans une série de fausses démarches ? cela réussit à souhait.

Le procès commença immédiatement ; le 22 décembre, le procureur-général déposait ses conclusions : elles mettaient en cause Retz, Beaufort et le conseiller Broussel. Que faisait dans le réquisitoire ce vieux magistrat, austère et respecté ? Déjà on criait au scandale en voyant appeler sur la sellette, sans preuves éclatantes, un archevêque de Paris et un petit-fils d’Henri IV. Mais pour Broussel, pas même de soupçon ! Aussi les avocats-généraux avaient-ils refusé de signer les conclusions. Le tumulte fut grand, et c’est ce qu’on voulait. « Le premier président prit sa longue barbe avec la main, qui était son geste ordinaire quand il se mettait en colère : Patience, messieurs, dit-il, allons d’ordre. MM. de Beaufort, coadjuteur, et Broussel, vous êtes accusés ; il y a des conclusions contre vous ; sortez de vos places. » Alors on cria que M. le Prince devait sortir aussi. Les frondeurs ripostent, demandent qu’on informe d’abord sur la tentative contre Joly. On savait que cela ne pouvait aboutir, mais c’était une manière d’insulte à l’adresse de Condé. « Celui qui savait vaincre les ennemis sur le champ de bataille ne pouvait souffrir d’être maltraité dans le parlement. » Puis vinrent les vacances de Noël. M. le Prince « eut de violens soupçons de l’artifice du cardinal et voulut s’adoucir. « Il n’était plus temps. On le tenait engrené dans ce procès tout machiné qui ne servait qu’à le compromettre et à l’aveugler. Comment n’a-t-il pu saisir aucun des fils de la trame qui s’ourdissait ? Les négociations du ministre et du coadjuteur devenaient presque publiques ; ils cheminaient à ciel ouvert. Chaque jour amenait de nouvelles recrues dont on payait le concours par actes authentiques.

A la dernière heure, quand tout était déjà conclu, Retz eut un remords : si Condé fait un signe, donne une lueur d’espoir, le coadjuteur lui ramènera toute la Fronde, avec les dames, les princes,.. et il laisse deviner ce qui se prépare. Mais M. le Prince s’en tient à ses engagemens, refuse d’entendre aucune ouverture, de comprendre les allusions. Retz frappe en vain à toutes les portes, chez Perrault, La Moussaye, Toulongeon ; le duc d’Orléans hésitait encore ; il fallut un siège en règle, commencer par l’attaque des

  1. La Rochefoucauld.