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l’autre. Elle obéit à la puissante impulsion d’Aristote, lorsqu’elle veut pénétrer comme lui les mystères du monde physique et de l’âme humaine ; mais elle écoute aussi la voix du cygne mélodieux, et elle suit les nobles inspirations du spiritualisme platonicien.


IV.

Entre ces deux colosses de la pensée, il n’y a point de place pour Xénophon, qui avait timidement lutté contre « les hommes devenus amoureux des mystères d’Egypte. » et opposé son Banquet au Banquet de Platon, sa Cyropédie à la République, afin de prouver que la royauté vaut mieux que la démocratie. En un temps où celle-ci était encore le gouvernement de la Grèce entière, Sparte exceptée, l’ami de Cyrus et d’Agésilas avait montré dans l’Hiéron, si ce dialogue est de lui, que le pouvoir monarchique valait mieux que l’état populaire. Mais c’était un homme de bien, quoiqu’il ait eu des torts envers sa patrie, une âme pieuse qui croyait à une Providence toujours active, aux révélations envoyées d’en-haut, et qui, subordonnant la sagesse politique à la superstition, disait aux Athéniens, après leur avoir donné des conseils qu’il estimait excellens : « Avant tout, consultez sur ces réformes les oracles de Delphes et de Dodone pour savoir si les dieux les approuvent. « 

Sa pensée et son style se tiennent dans une région moyenne, sans l’entraînement ni l’enthousiasme du génie. L’une a de l’honnêteté, l’autre de la douceur ; il ne faut pas leur demander davantage. Si Xénophon n’a rien fait pour la philosophie, quoiqu’il nous ait laissé dans l’Apologie et dans les Mémoires deux portraits de Socrate qui font aimer le héros du livre et l’historien, il a du moins enseigné la morale pratique, celle que tout le monde peut suivre, et cela vaut bien des rêves métaphysiques. Il a représenté la vertu comme le premier des biens et la condition du bonheur ; donné des préceptes pour la vie de tous les jours et pour toutes les conditions ; condamné les mauvais traitemens envers les esclaves, le désœuvrement intellectuel de la femme, les amusemens frivoles de la jeunesse et les subtils arrangemens de mots des sophistes, qui, dit-il, n’ont jamais rendu un homme meilleur. Xénophon ne peut être mis au nombre des grands hommes de la Grèce ; mais, dans un tel pays, la seconde place est encore très honorable.

Hippocrate, le précurseur d’Aristote dans la voie de l’observation scientifique, étant ne en 460, appartient au siècle de Périclès. Mais sa vie se prolongea, sinon jusqu’en 357, du moins pendant de longues années du IVe siècle, ce qui le fit contemporain des grands esprits dont il vient d’être question. Le temps où la Grèce possédait