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de santé, que M. Benjamin Constant donne à toutes ses figures, à vrai dire, n’est point en soi pour nous déplaire. On peut être surpris de le trouver trop également marqué en des Muses françaises, d’ordinaire considérées comme moins rudes et moins primitives, on ne saurait se plaindre de le voir énergiquement accentué, sur le compartiment opposé, dans les belles figures d’hommes, aux têtes nues, drapés de blanc, qui personnifient les sciences. Le premier, penché en avant, médite devant une sphère céleste ; les autres, entourés d’instrumens scientifiques, donnent des instructions à un ouvrier, en tablier de cuir, au torse nu, qui les écoute. Cette glorification du travail matériel à côté du travail intellectuel, de la main qui exécute à côté du cerveau qui pense, n’a rien que de légitime, dans cette mesure. M. Benjamin Constant a, d’ailleurs, su associer cette figure réelle à ses figures idéalisées de savans avec la force d’un peintre d’histoire. Le tryptique est complété par un panneau central où, dans l’entre-colonnement au travers duquel on voit s’élever le dôme de la Sorbonne, sous un ciel étincelant, sont assis, sur un banc circulaire, le recteur actuel de l’Académie et les doyens des Facultés. Les antithèses de ces robes violettes, rouges et jaunes, fournissaient à M. Benjamin Constant l’occasion de déployer toute sa virtuosité de peintre ; il ne l’a pas laissée échapper. Ce panneau central est un morceau exemplaire de peinture forte et généreuse, d’une polychromie brillante, joyeuse, harmonieuse. Les visages des personnages représentés y sont ressemblans, ce qui ne gâte rien ; il est donc probable qu’une fois en place, ce tryptique, dans son ensemble, réjouira assez vivement les yeux pour qu’on ne songe pas à lui demander des intentions plus profondes.

C’est encore pour la Sorbonne que M. Chartran a représenté un Vincent de Beauvais et Louis IX à l’abbaye de Royaumont ; M. Duez, un Virgile s’inspirant dans les bois ; M. Raphaël Collin, une Fin d’été ; mais, à parler franc, aucun de ces trois panneaux ne nous semble fait pour servir beaucoup la renommée de son auteur. M. Chartran n’a été que médiocrement inspiré par ces deux figures nationales, pourtant si intéressantes à restituer, le plus grand roi et le plus grand érudit du XIIIe siècle. M. Duez, si habile à exprimer l’exhalaison puissante des grasses verdures et des golfes verts de la Normandie, s’est trouvé dépaysé, d’une façon inquiétante, sous les pins sévères et grandioses d’Italie, devant la Méditerranée d’azur, et M. Raphaël Collin, qui trouve des tons si roses et si frais pour peindre les Nymphes légères aux carnations délicates sur les gazons printaniers, n’a plus trouvé que des touches sèches et dures pour les représenter à l’arrière-saison ; il fait déjà froid dans sa toile, presque un froid d’hiver.

Ces ouvrages décoratifs ne sont pas les seuls qui méritent