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M. Guillaume Dubufe se montre à la fois compositeur ingénieux et savant harmoniste, et où l’on peut signaler quelques morceaux d’une exécution sûre et charmante, notamment la jeune femme personnifiant l’œuvre de Musset.

C’est encore la décoration de la Sorbonne future, commandée par l’état, qui fournit au Salon les spécimens les plus importans de la peinture décorative et monumentale. M. François Flameng, comme l’année dernière, occupe un vaste espace par sa composition en trois parties représentant la Renaissance, Richelieu posant la première pierre de la Sorbonne, Henri IV réformant l’Université. L’élément pittoresque, dans les conceptions de M. Flameng, entre pour une plus grande part que l’élément historique. La scène centrale, disposée avec cette curieuse entente des effets de perspective qu’on avait déjà remarquée dans l’Abélard entouré de ses élèves sur la montagne Sainte-Geneviève, nous offre une restitution de Paris au XVIIe siècle extrêmement bien présentée. Pour éviter la banalité de l’ordonnance traditionnelle, ce n’est pas sur le premier plan que l’artiste a placé ses personnages importans, le cardinal de Richelieu et son cortège, mais dans le fond, à un plan assez reculé, en contre-bas, sous un coup de soleil qui les éclaire et attire sur eux l’attention, qui courait risque d’être distraite par leur éloignement. Quant aux premiers plans, ils sont occupés par un immense échafaudage de charpentes, sur lequel se groupe, à côté de cuves à mortier, de tuiles, de sacs de plâtre, une escouade d’ouvriers en habits de travail et tabliers de cuir, qui ont suspendu leur besogne pendant la cérémonie. Quelques-uns regardent de loin avec curiosité le spectacle officiel qui occupe le fond de la scène ; les autres, le chapeau sur la tête, lui tournent le dos en fumant leurs pipes ou en prenant des airs renfrognés avec une indifférence remarquablement démocratique. On s’attend à voir sortir de la poche de l’un d’eux quelque placard anarchique. Était-il bien nécessaire, en donnant à ces braves gens, dans cette cérémonie, la place qui leur revenait, de leur faire à la fois commettre une inconvenance et un anachronisme ? Pour comble d’invraisemblance, Lemercier, l’architecte, ses rouleaux sous le bras, au lieu d’être auprès du cardinal pour lui expliquer ses plans, est resté aussi sur son échafaudage, tournant également le dos à toute la cour. Quel que soit l’intérêt très réel que M. Flameng ait su donner, en s’inspirant de Lenain et de Millet, à toutes ces figures populaires dont quelques-unes sont traitées avec force et simplicité, on ne peut s’empêcher de regretter qu’il ait cru devoir, dans une circonstance si solennelle, leur sacrifier des figures historiques aussi intéressantes que celles du cardinal de Richelieu et des personnages célèbres à plus d’un titre qui devaient l’accompagner. On pourrait exprimer le même regret à propos du