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précisées avec le même soin que leurs toilettes neuves, et si nous reconnaissons dans une ou deux des types déjà entrevus, nous admirons aussi chez quelques autres des visages candides, ouverts et simples, d’une réalité vive et charmante, que M. Breton ne nous avait pas encore présentés.

Quand on parle de M. Jules Breton, il faut parler de sa famille. Les Breton forment une corporation comme en formaient autrefois les Van Loo, les Coypel, les Le Nain et tous ces innombrables groupes de bons ouvriers se repassant de père en fils leurs procédés et leurs esquisses, qui donnent aujourd’hui tant de mal aux historiens et aux critiques pour débrouiller leurs biographies et distinguer leurs ouvrages. C’était un spectacle touchant que ces vieilles familles d’artistes presque tout entières consacrées au même art ; il est regrettable, pour plus d’un motif, que les éparpillemens de la vie moderne n’en laissent plus guère subsister. Quoi qu’il en soit, les Breton, bons Flamands, gardent les saines traditions de leur race. La fille de M. Jules Breton, Mme Virginie Demont-Breton, en traitant des sujets familiers, cherche à se distinguer de son père par une recherche toute virile de la correction et du style classique dans ses petits corps nus d’enfans qu’elle fait gambader et gesticuler avec grâce. Son talent studieux ne perd rien à se renfermer dans de moins vastes cadres. Ses Jumeaux et son Bain compteront parmi ses bons ouvrages. Quant à son mari, M. Demont, s’il fait aussi des figurines, ce n’est que pour meubler ses paysages, car il est essentiellement paysagiste. Il nous paraît même, avec M. Desbrosses, dans un tout autre genre, un des paysagistes les plus chercheurs et les plus innovateurs de notre temps. Seulement, tandis que M. Desbrosses explore les montagnes, lui se tient dans la plaine, où il se contente de découvrir, avec la pénétration de l’œil exercé, des nouveautés fréquentes dans des spectacles quotidiens, l’inattendu dans le banal, l’inconnu dans le connu. Ce que M. Demont tient de son beau-père, c’est la patience, la ténacité, la sagacité qu’il met à extraire de son sujet tout ce qu’il contient ; ses tableaux peuvent surprendre quelquefois par l’étrangeté du motif, mais ils disent toujours quelque chose, le disent sérieusement, et, généralement, le disent bien. Son Champ d’œillettes en fleurs, avec son bariolage frais, vif, réjouissant, est une de ces explorations hardies qu’un peintre peut faire en voyageant dans son jardin, mais que de très habiles hésitent à tenter, parce qu’il y faut beaucoup de finesse et de sentiment. Dans son Hiver en Flandre, il représente, aux portes d’une ville fortifiée dont les remparts, couverts de neige, emprisonnent mélancoliquement l’horizon, quelques paysans en train de brûler des souches dans les champs, et la fumée de ces maigres