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n’avait pas encore composé de tableau si intéressant que son Crépuscule, La lune a trouvé ses poètes dans MM. Lepoittevin et Pierre Lagarde. Une matinée d’octobre à Luc-sur-Mer a fourni à M. Barillot, l’un de nos animaliers les plus sérieux, l’occasion de faire une œuvre excellente ; ses deux vaches baignées par une lumière fraîche et douce ont une sûreté d’allures, un charme de couleur, une simplicité de vie très remarquables. M. Mesdag reste toujours le roi des mers du Nord ; mais, à côté de ses tableaux puissans et savans, on peut distinguer d’autres bonnes marines faites sur les côtes des Pays-Bas, des Flandres, de Normandie ou de Bretagne, par MM. Auguste Flameng, Tattegrain, Iwill, Berthelon, Berthélemy, etc. La troupe de ceux qui se répandent sur les côtes méridionales n’est pas moins active. Parmi les audacieux paysagistes qui ne redoutent ni les âpres solitudes ni les implacables soleils de Provence, il en est quelques-uns qui surprennent, dans cette nature éclatante et grandiose, mais violente et redoutable, les secrets mystérieux et doux de ses irrésistibles séductions. MM. Moutte, Casile, Décanis, Etienne Martin, Allègre, aiment la « gueuse parfumée » et la comprennent, M. Surand se rencontre à Venise avec M. Ziem, et s’y montre presque aussi brillant. Un bois de pins dans le Bordelais a délicatement inspiré M. Cabrit. Il n’est pas jusqu’au paysage architectural, si cher à nos ancêtres et trop négligé aujourd’hui, qui ne soit brillamment représenté par M. Lansyer dans sa vue de l’Institut de France, Claude Lorrain, Canaletto, Joseph Vernet ont montré suffisamment quels effets pittoresques et poétiques on peut tirer de l’alliance des pierres et du soleil, des maçonneries et des verdures, des bâtisses et du ciel. Le paysage n’est pas seulement en plein champ, il se trouve encore à la ville, mais, pour l’y saisir et l’y préciser avec exactitude et grandeur, il faut joindre au sentiment de la couleur le goût de l’archéologie et la science de l’architecture. M. Lansyer, élève de Viollet-Leduc, est presque le seul qui réunisse aujourd’hui les conditions requises et qui pourrait faire une suite de Monumens français, comme Vernet fit autrefois une suite des Ports de France.


III

Les peintres de mœurs rustiques et populaires sont tous plus ou moins des paysagistes. Leurs qualités et leurs défauts, en général, sont donc les mêmes : d’une part, une sincérité indubitable, une observation ingénieuse, un sentiment poétique souvent assez vif ; d’autre part, une insuffisance fréquente de réflexion ou de science qui les laisse parfois sans défense devant les hasards