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LE
SALON DE 1888

I.
LA PEINTURE.

Le Florentin Sacchetti, conteur moins érudit, mais plus naïf et plus vivant que son compatriote Boccace, raconte, dans sa cent sixième nouvelle, une plaisante anecdote. Vers l’an 1360, plusieurs artistes, parmi lesquels Orcagna et Taddeo Gaddi, tous anciens élèves du vieux Giotto, travaillaient à la décoration de l’église San-Miniato. Un jour qu’on avait copieusement dîné, la conversation, après boire, tomba sur les destinées de la peinture. Tous s’accordèrent à reconnaître que, depuis la mort de Giotto, il n’avait paru aucun maître de sa valeur. Taddeo Gaddi, son filleul, déclara mélancoliquement que l’art lui paraissait fini et déclinait de jour en jour. Il n’y eut, dans toute la compagnie, pour protester, qu’un joyeux sculpteur, un certain Albert. Celui-ci se fit fort de prouver à ses camarades que Florence possédait une brillante école de coloristes : « Ce sont, il est vrai, ajouta-t-il, des artistes inconscients et qui n’en font pas profession ; mais leur talent et leur savoir n’en sont pas moins remarquables. Les meilleurs peintres, à l’heure actuelle, ce sont les dames de Florence. » Là-dessus Albert entama l’éloge des Florentines, ces artistes si modernes (le mot y est), si savantes à