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la force. Pour l’art grec, celle-ci aura sa plus haute expression dans les bas-reliefs de Pergame.

De Phidias à Lysippe, nous avons suivi, pour la statuaire, une marche descendante; d’abord la majesté sereine des dieux, puis la beauté sensuelle, enfin la force que représente cet Hercule Farnèse, à la tête si petite, aux épaules si larges et à la puissante musculature. Pour l’architecture, ce siècle est celui du plus brillant essor de l’art ionique. Les temples de Priène et celui d’Apollon Didyméen, dont il nous reste de magnifiques débris, sont de cette époque.

L’art accuse donc certains changemens de caractère; on ne voit pas encore les symptômes de défaillance.


II.

L’éloquence et la philosophie arrivent au point le plus élevé qu’elles puissent atteindre. Lysias, Isocrate, Isée, écrivent pour les plaideurs des discours qui, tout en appartenant à un genre secondaire, révèlent l’élégance du dialecte attique, et la tribune d’Athènes retentit des accens passionnés et virils de Démosthène, de Lycurgue, d’Hypéridès et d’Hégésippos. Eschine y apporte la souplesse de son esprit; Phocion sa vertu.

Mais sortons du Pnyx, descendons aux jardins d’Académos ; voyez ces hommes venus de tous les pays et suspendus aux lèvres d’un disciple de Socrate; écoutez-le, c’est l’Homère de la philosophie et un des révélateurs de l’humanité, c’est Platon.

Les Grecs, qui aimaient les légendes, voile gracieux qu’ils se plaisaient à jeter sur l’histoire, contèrent que son vrai père était Apollon ; qu’à son berceau les abeilles de l’Hymette avaient déposé leur miel sur ses lèvres, et que le jour où il fut conduit à Socrate, le philosophe vit un jeune cygne qui, s’élevant de l’autel de l’Amour, vint se reposer dans son sein, et prit ensuite son vol vers le ciel, avec un chant mélodieux qui charmait les divinités et les hommes. On savait bien ce que valaient ces beaux récits, mais on aimait à les répéter en témoignage d’admiration.

Platon tenait à ce qu’il y avait de plus noble dans Athènes ; son père prétendait descendre de Codrus et sa mère de Solon. Il entreprit d’abord un poème épique, mais renonça aux vers pour la philosophie ; je crois qu’il resta poète bien plus qu’il ne le pensait.

Après la mort de Socrate, ses disciples dispersés avaient fondé plusieurs écoles : Euclide, celle de Mégare, si justement nommée « la disputeuse, » qui revint à la métaphysique que le maître avait dédaignée, et, par sa confiance absolue dans la logique, par