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intérests que les siens, je suis résolu de me tenir au gros de l’arbre, quoy qu’il arrive, et de ne m’esloigner point, pour quelque respect que ce soit, des termes de mon devoir[1]. » Le « gros de l’arbre, » c’était l’autorité royale.

Une fidélité si constante donnait bien quelques droits au maréchal; il ne pouvait pas se séparer des églises protestantes, et il travaillait, d’une part, à les tenir dans le devoir; de l’autre, à obtenir justice pour elles. Son langage devint particulièrement pressant au moment où s’entama l’affaire du Béarn. Une ordonnance royale du 25 juin 1617 avait rétabli le culte catholique dans cette province et ordonné la restitution aux catholiques des biens ecclésiastiques qui leur avaient été enlevés. Le budget des églises protestantes n’avait plus d’autre garantie que le revenu royal, et ces églises étaient mises ainsi sous la dépendance du roi. De plus, on parlait d’enlever aux protestans du Béarn leurs places de sûreté, et l’on n’organisait point les chambres de l’édit, depuis longtemps promises.

Les églises firent une assemblée à Orthez et la transférèrent à La Rochelle (le 18 janvier 1619); enfin, une assemblée fut convoquée par brevet, à Loudun, le 25 janvier 1619 ; avant sa réunion, Lesdiguières avait exposé au roi, dans une lettre écrite le 23 août, les griefs de ses coreligionnaires; il y demandait le remplacement, comme gouverneur de Lectoure, de Fontrailles, qui s’était fait catholique, l’entrée au parlement de Paris de deux conseillers protestans, la prolongation des places de sûreté pour quatre ans, la permission pour les députés du Béarn d’exposer leurs griefs au roi.

Il arriva à Loudun ce qui arrivait dans toutes les assemblées ; la cour demandait qu’on nommât simplement deux députés-généraux et que l’assemblée fût ensuite dissoute : l’assemblée résistait, faisait des cahiers, attendait une réponse qui jamais ne venait. Cette fois, Lesdiguières, Duplessis-Mornay et d’autres se firent forts, si la cour ne faisait pas de réponse dans les six mois, de faire convoquer une nouvelle assemblée. Le maréchal se rendit à Paris, et, usant de toute son influence, il obtint la promesse que Lectoure serait remis à un gouverneur protestant, que deux conseillers protestans seraient reçus au parlement de Paris, que le brevet des places de sûreté serait accordé pour quatre ans de plus ; enfin, que les députés du Béarn seraient ouïs dans les sept mois, M. le prince et le duc de Luynes engagèrent leur parole sur tous ces points, le duc de Lesdiguières et le duc de Chatillon s’engagèrent, en retour, à obtenir la séparation de l’assemblée après la nomination des députés-généraux[2]. L’assemblée obéit aux ordres du roi et se sépara le 18 mars.

  1. Lettre d’avril 1619, t. II, p. 245.
  2. Lettre à l’assemblée de Leudun, signée Lesdiguières et Chastillon. de 17 mars. (Actes et Correspondance, t. II. p. 271.)