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temps de sa fidélité au service du roi. Il reçut le brevet de duc et pair, et quand l’assemblée générale des églises se réunit à Saumur, il y dépêcha Bellujon, qui travailla à la tenir dans les limites du devoir. L’assemblée avait prié la reine de ne point exiger la nomination des députés-généraux avant qu’elle n’eût répondu à ses cahiers. Lesdiguières et Bouillon l’amenèrent, contrairement à l’avis de Sully, à ne pas insister sur ce point, et la nomination fut faite. Aussitôt qu’elle fut connue à la cour, on se hâta de proroger l’assemblée, sans répondre à ses cahiers. Lesdiguières, qui avait prêché l’obéissance, fut néanmoins très irrité de cette résolution. Il eut bientôt d’autres sujets de mécontentement : la politique d’Henri IV était partout abandonnée, et tout était sacrifié à l’alliance espagnole ; il n’était plus question de donner au fils du duc de Savoie la sœur de Louis XIII, ni de donner pour femme à Louis XIII une fille de ce duc ; on engageait ce dernier à renoncer à toutes ses prétentions sur le pays de Vaud, et on lui faisait comprendre qu’il n’avait rien à attendre de la France dans ses démêlés avec les Espagnols. Lesdiguières se rendit à Suze pour faire connaître ces résolutions au duc de Savoie.

Faut-il voir un effet de ce mécontentement dans un acte d’union conclu, au mois d’août 1612, entre « MM. Lesdiguières, de Rohan et Duplessis-Mornay[1]? » Dans cet acte, ils s’engagent à « donner au bien commun des églises leurs intérêts particuliers. » On y voit Lesdiguières faisant un pas vers ceux qui avaient à l’assemblée de Saumur donné les avis les plus énergiques. La cour chercha sans doute à calmer son irritation en lui expédiant (après la mort du comte de Soissons) les provisions qui lui donnaient l’administration générale du Dauphiné. Jusque-là, il n’avait été que lieutenant de gouverneur, et-la justice n’avait pas été rendue en son nom ; il lui fallait aussi l’agrément du gouverneur pour une foule d’actes même peu importans.

Au commencement de 1614, le prince de Condé se retira de la cour avec d’autres seigneurs mécontens de la faveur de Concini. La reine prit la peine d’écrire à Lesdiguières une lettre où elle justifiait ses actes. Elle lui dépêcha Bellujon, et Lesdiguières envoya celui-ci à Sedan, où se trouvaient les princes, Condé, Nevers, Mayenne, Longueville, Vendôme, chez le duc de Bouillon. Il exhorta le prince de Condé à faire sa soumission, et protesta qu’il resterait lui-même dans son devoir. Bellujon travailla à amener un rapprochement avec la cour, et la conférence de Soissons mit fin à ces premiers troubles.

  1. Actes et Correspondance, t. II, p. 32.